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cédent dont nous avons donné le menu, et qu’elles eurent essuyé une joviale réprimande de la part de l’udaller pour être descendues si tard, elles trouvèrent les convives, dont la plupart avaient déjà déjeuné, se livrant à une ancienne coutume norwégienne du genre de celles dont nous venons de parler.

Elle semble avoir été empruntée à ces poésies des scaldes où les champions et les héroïnes sont si souvent représentés comme cherchant à connaître leur destinée par la bouche de quelque sorcière ou prophétesse ; celle-ci, comme dans la légende appelée par Gray la Descente d’Odin, réveille des esprits par la puissance d’un chant runique, et ils révèlent malgré eux les décrets du destin, par des réponses souvent d’un sens ambigu, mais qu’on croyait être une esquisse des événements à venir.

Une vieille sibylle, Euphane Fea, la femme de charge dont nous avons déjà parlé, s’installa dans l’embrasure d’une large fenêtre dont le jour était soigneusement intercepté par des peaux d’ours et d’autres draperies diverses, de manière à lui donner l’apparence d’une hutte de Lapon ; cet antre divinatoire était pourvu, comme un confessionnal, d’une ouverture qui permettait à la personne de l’intérieur d’entendre les questions qu’on lui adressait sans qu’elle pût voir le questionneur. Placée dans cet endroit, la voluspa devait écouter les demandes rimées qui lui seraient faites, et renvoyer une réponse improvisée. On supposait que la draperie l’empêchait de voir les individus qui la consultaient, et le rapport intentionnel ou accidentel que la réponse se trouvait avoir avec la situation de la personne qui posait la demande, fournissait souvent matière à de longs rires, ou même faisait naître de sérieuses réflexions. On choisissait habituellement pour sibylle la femme qui excellait le plus dans l’improvisation des poésies norses, talent peu extraordinaire dans une contrée où beaucoup d’esprits sont approvisionnés de vieux vers, et où les règles de la composition métrique sont singulièrement simples. Les questions se faisaient aussi en vers ; mais comme le don d’improviser ne pouvait être universel, il était permis de recourir à un versificateur de profession qui, tenant par la main celui qui consultait la devineresse, et placé devant le trou par où sortaient les oracles, était chargé de mettre en vers toutes les demandes.

En la présente occasion, Claude Halcro fut appelé d’une voix unanime à jouer le rôle du versificateur ; et après avoir branlé la tête, après avoir murmuré quelques excuses fondées sur l’affaiblissement de sa mémoire et de sa poétique, excuses que contredisaient