Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/226

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parler. Je doute qu’il vous conserve long-temps son amitié, si vous n’y tenez pas davantage. — Soit : alors je ne serai votre rivale ni pour son amitié ni pour son amour ; mais pensez-y mieux, Brenda, ce scandale n’est pas l’œuvre de Cleveland… Cleveland est incapable de médisance… Ce n’est pas non plus un mensonge de Bryce Snailsfoot… Il n’est aucun de nos amis, aucune de nos connaissances qui ne dise que c’est l’opinion commune dans toute l’île, que les filles de Magnus Troil attendaient patiemment le choix d’un étranger sans naissance et sans nom, de Mordaunt Mertoun… Est-il convenable qu’un pareil bruit coure sur les descendantes d’un comte norwégien, les filles du premier udaller des îles Shetland ? et serait-il décent et possible à de jeunes filles de l’endurer sans dépit, quand nous serions les dernières servantes qui eussent jamais tiré un pot de lait ? — La langue d’un fou n’offense pas, » répondit Brenda avec chaleur ; « je ne consentirai jamais à oublier un innocent ami à cause des commères de l’île, qui peuvent donner les pires interprétations aux faits les moins répréhensibles. — Écoutez seulement ce que disent nos amis, écoutez seulement lady Glowrowrum, seulement Maddie et Clara Groatseltars. — Si j’écoutais lady Glowrowrum, » répliqua Brenda d’un ton ferme, « je prêterais l’oreille à la plus mauvaise langue du Shetland ; quant à Maddie et à Clara Groatseltars, elles ont été toutes deux fort heureuses de faire asseoir Mordaunt entre elles à dîner, avant-hier, comme vous auriez pu le remarquer ; mais votre oreille était trop agréablement occupée ailleurs. — Vos yeux, Brenda, n’ont pas été moins bien occupés, riposta la sœur aînée, puisqu’ils étaient fixés sur un jeune homme qui, au dire de tout le monde, nous a insultées, a parlé de nous avec la plus insolente présomption ; et fût-il accusé sans raison, lady Glowrowrum dit que c’est indécence à vous que de regarder dans la direction où il est assis, attendu que c’en est assez pour confirmer de tels bruits. — Je regarderai par où il me plaira, » répondit Brenda avec encore plus de chaleur ; « lady Glowrowrum ne réglera ni mes pensées, ni mes paroles, ni mes regards. Je soutiens que Mordaunt Mertoun est innocent… Je le regarderai comme tel… je parlerai de lui comme tel ; et si même je ne lui parle pas, si je n’agis pas à son égard comme d’habitude, c’est pour obéir à mon père, et non pour ce que lady Glowrowrum et toutes ses nièces, en eût-elle vingt au lieu de deux, peuvent penser, dire, marmotter et chuchoter sur un sujet qui ne les regarde pas. — Hélas ! Brenda, » dit Minna avec calme, « cette vivacité est trop grande pour la défense