- Mille sombres hivers ont passé dans ces lieux
- Depuis que sur le seuil de ma porte sacrée
- Un sectaire avoua mon art mystérieux.
- De la maison de Trolld, vierge altière, inspirée,
- Tu ne sortiras point de ces bords ténébreux
- Sans emporter sur les tempêtes
- Et sur les flots tumultueux
- Le grand pouvoir que tu souhaites.
- Sans emporter sur les tempêtes
- Fille orgueilleuse, oui, tu commanderas
- Aux ruisseaux, à la plage, au soleil, aux frimas,
- À la baie, aux ravins, aux plus sombres retraites,
- À tous les lieux connus par les brises du nord,
- Partout où la marée y vient laver un port.
- Mais, pour t’armer enfin de la toute-puissance,
- Il faut (du sort telle est la loi)
- Que l’auteur de ton existence
- Il faut (du sort telle est la loi)
- De ce qu’il t’a donné soit dépouillé par toi.
- Mille sombres hivers ont passé dans ces lieux
« Je lui répondis à peu près dans le même langage, car l’esprit des anciens scaldes de notre race était descendu en moi ; et loin de craindre le fantôme avec lequel j’étais enfermée dans un si petit espace, je sentis l’impulsion de ce haut courage qui soutint les anciens champions et les druidesses dans leurs luttes avec le monde invisible, lorsqu’ils pensèrent que la terre ne contenait plus d’ennemis dignes d’être soumis par eux. Je lui fis donc la réponse suivante :
- Hôte de ces rocs écartés,
- Tes mots sont obscurs et sévères ;
- Mais la peur, les soucis vulgaires,
- De ma raison sont écartés ;
- Je t’ai cherché sur les bruyères
- Seule, et les sens non agités.
- Aux coups du destin préparée,
- Mon âme l’attend sans frisson :
- La vie est un mal sans durée
- Dont la mort est la guérison.
- Hôte de ces rocs écartés,
« Le démon fronça les sourcils ; il parut irrité et intimidé à la fois ; puis, se changeant en une vapeur épaisse et sulfureuse, il disparut de la place qu’il occupait. Jusqu’à ce moment, je n’avais pas senti l’influence de la frayeur, mais alors elle me saisit. Je m’élançai vers le plein air où la tempête s’était dissipée, où tout était pur et serein. Je restai d’abord un instant sans oser même respirer, puis je revins à la maison, méditant le long du chemin les paroles du fantôme, que je ne pouvais pas alors, comme il arrive souvent, me rappeler avec autant d’exactitude que je l’ai fait ensuite.