Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/208

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blement pour le mettre en harmonie avec le goût des jeunes filles.

Pendant bien des années, ce fut le théâtre de leurs plus intimes confidences, si l’on peut appeler confidences les conversations amicales de deux personnes qui n’ont en réalité aucun secret à se confier ; chaque pensée qui pouvait éclore dans le sein de l’une était, sans hésitation ni scrupule, communiquée à l’autre aussi spontanément qu’elle naissait. Mais depuis que Cleveland demeurait à Burgh-Westra, chacune des aimables sœurs avait nourri de ces pensées qu’on ne communique pas sans peine ni à la légère, à moins que celle qui doit recevoir la confidence n’ait bien promis auparavant de ne point s’en offenser. Minna avait remarqué, ce que n’auraient pu apercevoir des observateurs moins intéressés, que Cleveland occupait une place moins haute dans l’estime de Brenda que dans la sienne ; et Brenda, de son côté, trouvait que Minna avait été injuste en adoptant si vite les préventions de leur père contre Mordaunt Mertoun. Chacune sentait qu’elle n’était plus la même pour sa sœur ; et toutes deux s’attristaient d’ajouter ainsi un sentiment pénible aux inquiétudes dont elles se croyaient mutuellement tourmentées. Leurs manières l’une à l’égard de l’autre, dans tous ces petits soins où la tendresse peut se montrer, étaient plus constamment affectueuses que jamais, comme si toutes deux, sentant que leur réserve intérieure faisait infraction à l’amitié qui devait unir deux sœurs, tâchaient de l’expier par une double assiduité dans ces marques extérieures d’affection qu’en d’autres temps, lorsqu’elles n’avaient rien à se cacher, elles pouvaient négliger sans aucune conséquence.

Pendant la soirée dont nous parlons, les deux sœurs sentirent mieux que jamais combien était diminuée la confiance qui d’ordinaire existait entre elles. Le voyage protégé à Kirkwall pendant la foire, époque où un grand nombre d’insulaires de toutes classes se rendaient dans cette ville, était un incident de grande importance dans une vie composée d’habitudes si simples et si uniformes que la leur, et quelques mois auparavant, Minna et Brenda auraient passé la moitié de la nuit à imaginer d’avance dans une longue causerie tout ce qui pouvait leur arriver dans une si grande occasion ; mais, cette fois, ce sujet fut à peine entamé qu’elles le laissèrent tomber, comme si elles eussent craint d’éveiller une discussion entre elles, ou de rendre nécessaires des aveux qu’elles ne voulaient point faire encore.

Telle était pourtant leur franchise naturelle et la bonté de leur caractère que chaque sœur s’imputait à elle-même la froideur qui