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mauvais coup, je ne crois plus à rien. M. Mordaunt sauve Cleveland… bien ! Cleveland, pour l’en récompenser, attire sur lui-même tous les rayons du soleil de Burgh-Westra ; et songez-y bien ! perdre les faveurs d’une maison comme celle-là, où la bouilloire à punch n’a jamais permission de se refroidir ! Eh bien ! à présent que Cleveland, à son tour, a été assez fou pour repêcher Mordaunt hors du Woe, gare que celui-ci ne lui donne des sillocks pour sa morue ! — Bah, bah ! répliqua le poète, ce sont des contes de vieille femme, mon ami Éric ; car, que dit le glorieux Dryden… John, le saint poète ?…

La bile errante en vos âmes blessées
Engendre ces tristes pensées.

— Saint John, et saint James aussi, peuvent bien se tromper dans cette affaire, reprit Éric ; car je crois que ni l’un ni l’autre n’ont habité les îles Shetland. Je dis seulement que, si on peut croire aux vieux dictons, ces deux drôles se tireront un mauvais coup ; et en ce cas, je demande que M. Mordaunt en pâtisse. — Et pourquoi, » s’écria le poète avec colère, « pourquoi, Éric Scambester, souhaiteriez-vous du mal à ce pauvre jeune homme, qui vaut cinquante fois mieux que l’autre ? — Laissez chacun passer le gué à sa manière, répondit Éric ; M. Mordaunt est toujours pour l’eau claire, comme son vieux chien de père ; or, le capitaine Cleveland tient son verre en joyeux luron, en homme comme il faut. — Admirablement raisonné ! fort bien raisonné pour ta charge ! » répliqua Halcro ; et brisant là l’entretien, il se dirigea vers Burgh-Westra où retournaient les hôtes de Magnus, discutant le long du chemin, avec beaucoup de chaleur, les divers incidents de leur attaque contre la baleine, et fort scandalisés de ce qu’elle eût résisté à tous leurs efforts.

« J’espère que le capitaine Donderdrecht de l’Eintracht à Rotterdam n’en saura jamais rien, dit Magnus ; il jurerait ciel et terre que nous ne sommes capables de pêcher que des carrelets. »