Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/177

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sexes, qu’il éprouva autant d’embarras que s’il se fût trouvé subitement en face d’une personne justement irritée contre lui. Brenda n’était pas moins troublée ; mais comme elle avait demandé cette entrevue et qu’elle ne pouvait durer long-temps, elle fut obligée, en dépit d’elle-même, d’entamer la conversation.

« Mordaunt, » dit-elle en balbutiant ; mais ensuite se reprenant, elle dit : « vous devez être surpris, monsieur Mertoun, que je me sois permis cette singulière liberté ? — C’est depuis ce matin seulement, Brenda, répliqua Mordaunt, qu’une marque d’amitié ou de confiance de vous ou de votre sœur pourrait me surprendre. Je suis beaucoup plus étonné que vous m’ayez fui sans motif pendant plusieurs heures, que de vous voir m’accorder maintenant un entretien. Au nom du ciel, Brenda, en quoi vous ai-je offensée ? et pourquoi cette singulière conduite à mon égard ? — Ne suffit-il pas de vous dire, » répondit Brenda en baissant les yeux, « que telle est la volonté de mon père ? — Non, cette raison ne suffit pas. Votre père ne peut avoir changé si subitement de dispositions et de manières avec moi, sans avoir cédé à l’influence de quelque étrange déception. Je vous demande seulement de m’expliquer la cause de ce changement ; car je consens à être plus bas dans votre estime que le dernier paysan de ces îles, si je ne puis prouver que ses nouvelles opinions à mon égard sont fondées sur une infâme tromperie ou une erreur extraordinaire. — C’est bien possible, je l’espère bien ; mon désir de vous voir ainsi en secret doit vous prouver que je l’espère. Mais il m’est difficile… il m’est impossible de vous expliquer la cause du ressentiment de mon père. Norna s’est entretenue longuement avec lui sur ce sujet, et j’ai peur qu’ils ne se soient quittés mécontents : or, vous savez bien que pareille chose n’arriverait pas sans de grandes raisons. — J’ai remarqué que votre père est fort attentif aux conseils de Norna, et plus complaisant à satisfaire ses caprices que ceux des autres… J’ai remarqué cela, quoiqu’il soit peu disposé à croire aux pouvoirs surnaturels qu’elle s’attribue. — Ils sont parents de loin… et furent amis dans leur jeunesse… même, comme je l’ai entendu dire, on crut autrefois qu’ils se marieraient ensemble. Mais les bizarreries de Norna se manifestèrent immédiatement après la mort de son père, et l’union en resta là, s’il est vrai qu’il en fut jamais question. Mais il est certain que mon père la considère beaucoup, et c’est, j’en ai peur, une preuve que ses préjugés contre vous sont profondément enracinés, puisqu’ils se sont presque querellés à cause de