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gracieusement la main à Cleveland qui, sans avoir participé à la danse guerrière, prétendit à l’honneur de la reconduire à sa place.

Tandis qu’ils s’y rendaient, Mordaunt Mertoun put observer que Cleveland parlait bas à l’oreille de Minna, et que la réponse de la jeune fille fut accompagnée d’un embarras plus grand encore que celui qu’elle avait manifesté lorsque tous les regards de l’assemblée étaient fixés sur elle. Les soupçons de Mordaunt Mertoun furent vivement éveillés par cette remarque, car il connaissait bien le caractère de Minna ; il savait avec quelle froideur et quelle insouciance elle avait coutume de recevoir les compliments et les galanteries ordinaires avec lesquels sa beauté et sa position la rendaient suffisamment familière.

« Est-il possible qu’elle aime réellement cet étranger ? » fut l’idée peu agréable qui s’empara aussitôt de l’esprit de Mordaunt… « et si elle l’aime, en quoi dois-je m’en inquiéter ? » fut sa seconde pensée. Il se dit ensuite, « que, sans avoir jamais prétendu qu’au titre d’ami, sans prétendre porter maintenant ce titre, il avait encore droit, en considération de leur intimité première, de gémir et de s’indigner en la voyant donner son affection à un homme indigne d’elle. » Dans cette suite de raisonnements il est probable qu’une vanité blessée, ou quelque ombre imperceptible d’un regret égoïste, pouvait prendre le déguisement d’une générosité désintéressée ; mais il se trouve tant de mauvais alliage, même dans nos meilleures pensées, que ce serait une tâche pénible que de critiquer trop minutieusement le motif de nos bonnes actions. Au moins nous devons recommander à chacun de ne pas trop sonder celles de son voisin, quelque sévérité qu’il mette à examiner la pureté des siennes.

La danse des épées fut suivie par divers autres exercices du même genre, et par des chants dans lesquels les chanteurs mirent toute leur âme, tandis que l’auditoire ne manquait pas, dès que l’occasion s’en présentait, de répéter en chœur un refrain favori ; c’est alors que la musique, quoique d’un caractère simple et même rude, reprend son empire naturel sur tous les esprits, et produit ce vif enthousiasme que ne peuvent atteindre les plus savantes compositions des premiers maîtres. Une musique savante ennuie une oreille ordinaire, quoiqu’elle puisse causer un plaisir délicieux à ceux qui ont été mis en état, par leur éducation et leur capacité naturelle, de comprendre les combinaisons d’une harmonie compliquée.

Il était environ minuit lorsqu’un coup frappé à la porte de la