Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/170

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nom qu’ils lui donnent… Ah ! c’est qu’il nous poussa cette fois-là, et qu’il nous mit en morceaux par dessus le marché !… et nous commençâmes à tomber aussi dru que les bestiaux que nous abattions cinq minutes auparavant. — Et Montrose ? dit la douce voix de la gracieuse Minna ; que devint Montrose, et quelle mine faisait-il ? — Celle d’un lion qui voit venir les chasseurs. Mais je ne regardai pas deux fois sa route, car la mienne était droit vers la montagne. — Et vous l’abandonnâtes ! » dit Minna avec le ton du plus profond mépris.

« Ce n’était pas ma faute, mistress Minna, répondit le vieillard un peu déconcerté ; mais je n’étais point là de mon choix ; et d’ailleurs quel bien pouvais-je lui faire ?… tous les autres se sauvaient comme des moutons ; pourquoi serais-je resté ? — Vous seriez mort avec lui ! dit Minna. — Et vous auriez vécu avec lui de toute éternité, dans des vers immortels ! ajouta Claude Halcro. — Grand merci, mistress Minna, répondit le naïf Shetlandais ; et vous aussi, mon vieil ami Claude, grand merci… mais j’aime mieux boire à vos deux santés ce bon broc d’ale, comme un homme vivant que je suis, que de vous avoir donné la belle tâche de faire des chansons en mon honneur, si j’étais mort il y a quarante ou cinquante ans. D’ailleurs qu’importait !… Fuir ou combattre c’était un… ils prirent Montrose, le pauvre diable, à cause de ses fameux exploits, et ils me prirent aussi, moi qui n’avais pas fait de ma vie un seul exploit ; ils le pendirent lui, le pauvre homme, et moi… — J’ai assez confiance au ciel pour croire que vous fûtes piqué et fouetté, » dit Cleveland qui perdait patience au récit ingénu de la poltronnerie du Shetlandais incapable du moindre sentiment de honte.

« On fouette les chevaux et l’on pique les bœufs, reprit Magnus. Vous n’avez pas sans doute la vanité de croire qu’avec tous vos airs de tillac vous ferez rougir mon vieux voisin Haagen de n’avoir pas été tué il y a quelque vingtaine d’années ? Vous avez regardé la mort en face, mon jeune et tendre ami, mais c’était avec les yeux d’un jeune homme qui désirait se rendre fameux ; nous autres, nous sommes pacifiques… j’entends pacifiques autant qu’on sera pacifique avec nous, c’est-à-dire tant que personne n’aura l’impudence de nous nuire, à nous, ni à nos voisins ; car alors peut-être ne trouverait-on pas le sang norse qui coule dans nos veines beaucoup plus froid que n’était celui des vieux Scandinaves qui nous ont donné nos noms et notre lignage. — Allons, allons la danse des épées ; que les étrangers qui sont présents puissent voir que nos mains savent encore quelque peu manier des armes. »