Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/157

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un homme d’esprit lui-même, et il ne se fâchait pas des plaisanteries que les espiègles qui fréquentaient cette réunion lui lançaient sans cesse comme des fusées et des pétards dans une nuit de fête ; et puis, quoique plusieurs de ces beaux esprits… et même j’ose dire le plus grand nombre, pussent avoir des comptes à terminer avec lui au sujet de ses fournitures, il n’était pas capable de mettre un génie en peine en lui rappelant de pareilles bagatelles. Oui, mon jeune et cher monsieur Mordaunt, bien que vous puissiez croire que ce n’était qu’une civilité ordinaire, parce que dans l’heureux pays où nous vivons il arrive rarement qu’on fasse des emprunts ou des crédits, et parce que, Dieu merci ! nous n’avons ni baillis ni shériff pour empoigner un pauvre diable par le cou, et parce qu’il n’y a point de prison pour l’y fourrer après un délit semblable, cependant, permettez-moi de vous le dire, une complaisance d’agneau comme celle de mon pauvre cher maître défunt, Thimblethwaite, est fort rare dans le rayon où Londres envoie ses billets d’enterrement. Je pourrais vous parler des aventures qui me sont arrivées, à moi aussi bien qu’aux autres, avec ces maudits marchands de Londres ; aventures qui vous feraient dresser les cheveux… Mais qui diable a monté le vieux Magnus sur un pareil ton ? il crie comme s’il essayait sa voix contre une bouffée de vent du nord. »

Le vieil udaller poussait en effet des mugissements terribles ; ayant perdu patience à écouter les projets de réforme que le facteur lui proposait hardiment, il lui répliquait, pour employer une expression ossianique, comme une vague répond à un rocher.

« Des arbres, monsieur le facteur… ne me parlez pas d’arbres ! peu m’importe qu’il n’y en ait pas même un assez grand dans ces îles pour y pendre un imbécile. Nous n’aurons d’arbres que ceux qui s’élèvent dans nos ports… de bons arbres qui ont des vergues pour branches et des agrès pour feuilles. — Mais concernant le dessèchement du lac de Braebaster, dont je vous parlais, monsieur Magnus Troil, » répliqua le persévérant agriculteur, « dessèchement qui doit être, à mon avis, d’une si grande utilité, il y a deux moyens d’y arriver… par la vallée de Linklater ou par la colline de Scalmester. Or, après avoir nivelé les deux terrains… — Il y a un troisième moyen, monsieur Yellowley, » interrompit le maître de la maison.

« J’avoue que je ne le connais pas, » reprit Triptolème avec autant de bonne foi qu’un plaisant peut en désirer dans sa victime ;