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Sans l’occurrence fréquente de ces alliances mal assorties, à ce qu’il semble au premier aperçu, le monde ne serait pas ce qu’a voulu la sagesse éternelle, un séjour de biens et de maux mélangés ; un séjour à la fois d’épreuve et de souffrance, où les pires douleurs sont adoucies et rendues tolérables aux esprits humbles et patients ; où les biens les plus précieux contiennent toujours un alliage nécessaire qui s’oppose à leur perfection complète.

Ainsi, quand nous examinons de plus près les causes de ces attachements étranges, nous pouvons reconnaître que ceux qui s’y livrent n’agissent pas avec autant d’inconséquence envers leur propre caractère que nous l’avions pensé d’abord. Les sages combinaisons de la Providence s’accomplissent par une impulsion mystérieuse qui pousse les individus à former des alliances monstrueuses aux yeux du monde. Le libre arbitre nous est laissé dans les circonstances de la vie ordinaire aussi bien que dans notre conduite morale ; et dans le premier comme dans le second cas, il peut être un motif d’erreur pour ceux qui s’en servent. Il arrive souvent aux personnes pleines d’enthousiasme et d’imagination, qu’après s’être tracé dans l’esprit un portrait admirable, elles s’abusent par quelque faible ressemblance qu’elles croient en trouver dans un être réel ; alors leur conception vive le revêt, avec autant de promptitude que de libéralité, de tous les attributs nécessaires pour compléter le beau idéal de la perfection morale. Personne peut-être, même dans les unions contractées avec un objet réellement aimé, ne trouva toutes les qualités dont il s’attendait à jouir, mais beaucoup trop souvent il arrive qu’il a commis une grave erreur, et bâti un château aérien de félicité sur un arc-en-ciel qui ne devait son existence qu’à l’état particulier de l’atmosphère.

Ainsi Mordaunt, s’il eût mieux connu la vie et le cours des choses humaines, aurait été peu surpris qu’un homme tel que Cleveland, beau, vif et hardi, un homme qui avait couru maints périls et en parlait comme d’un jeu, eût été doué par une jeune fille d’un caractère aussi bizarre que Minna, des qualités qui, dans son imagination, accompagnaient l’idée qu’elle se formait d’un parfait héros. La brusquerie franche de Cleveland, si elle était peu polie, semblait du moins incapable de tout déguisement ; et si l’on croyait remarquer en lui le manque de formes, il avait assez de bon sens, assez de savoir-vivre naturel, pour entretenir l’impression qu’il produisait d’abord. Il est à peine nécessaire d’ajouter que ces observations s’appliquent exclusivement à ce qu’on appelle mariages d’a-