Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/130

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misérablement pour ne pas sentir leurs déplorables imperfections ? Se peut-il qu’un homme, » ajouta-t-il, son enthousiasme augmentant à mesure qu’il parlait, « ou même qu’une brute, regarde la machine qu’on a l’impudence d’appeler ici un moulin, sans trembler à l’idée qu’il faut confier son grain à une si misérable mécanique ? Les malheureux sont obligés d’en avoir au moins cinquante par chaque paroisse, chacun tournant une méchante meule, entre quatre murs couverts d’un toit de chaume à peine plus solide qu’une ruche, au lieu d’un magnifique moulin baronnial, dont vous entendriez le vacarme par tout le pays, et qui jetterait la farine à travers le bluteau par sacs à la fois. — Oui, oui, frère, dit sa sœur, c’est parler sagement comme toujours. Plus grande est la dépense, plus grand l’honneur ; c’est le précepte qui ne quitte pas vos lèvres. Ne pouvez-vous pas fourrer dans votre sage caboche, l’ami, que dans ce pays les pauvres gens moulent le grain qu’il leur faut, sans s’inquiéter des moulins, des meules, ni des bluteaux du baron ni de tout ce bataclan ? Combien de fois vous ai-je entendu disputer avec le vieil Edie Netherstane, le meunier de Grindleburn, et même avec son garçon, sur les droits de moulure, coupe et recoupe, mesurage, engrenage, profit du garçon, et que sais-je encore ? Or, maintenant, rien ne vous servira moins que d’attirer tous ces désagréments à de bonnes gens qui moulent leur grain chacun chez eux, bien ou mal, n’importe. — Ne me parlez ni de mesurage, ni d’engrenage ! » s’écria l’agriculteur indigné ; « mieux vaudrait laisser au meunier la moitié du grain pour avoir le reste moulu d’une manière chrétienne, que de jeter de bon grain dans un moulin d’enfant… Regardez un instant, Baby… Holà ! ho ! le maudit diablotin ! » Cette dernière interjection s’adressait à son bidet, qui commençait à s’impatienter extrêmement de ce que le cavalier arrêtait sa course pour faire remarquer tous les défauts d’un moulin shetlandais. « Regardez ce moulin, vous dis-je, il ne vaut guère mieux qu’un moulin à bras ; il n’a ni roues, ni dents, ni trémie, ni écluse… Holà ! oh ! la maudite bête !… Il ne peut moudre une poignée de farine en un quart d’heure, encore devrait-on plutôt la faire manger à un cheval qu’à un homme… Allons, holà ! ho ! te dis-je ; allons, allons ; il a le diable au corps, je crois ! »

Comme il prononçait ces derniers mots, le poney, qui avait caracolé et cabriolé quelque temps avec beaucoup de vivacité, baissa la tête entre ses jambes, et, d’un saut, lança son cavalier dans le petit ruisseau qui faisait l’objet de la critique de l’Écossais ; puis,