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Gow, ne voulant pas répondre, fut amené à la barre du tribunal ; et le juge ordonna que deux hommes lui serrassent les pouces avec une corde à fouet, jusqu’à ce qu’elle cassât ; puis qu’elle fut doublée jusqu’à ce qu’elle cassât encore ; puis enfin triplée, et que les exécuteurs la tirassent de toute leur force : laquelle sentence Gow endura avec la plus rare intrépidité. » Le matin suivant (c’était le 27 mai 1725), lorsqu’il vit les préparatifs qui avaient été faits pour sa mort, le courage lui manqua, et il dit au maréchal de la cour qu’il n’aurait pas donné tant de peine au bourreau, s’il avait su qu’on ne le pendrait pas enchaîné. Il fut condamné et exécuté avec tous les hommes de son équipage.

On dit que la dame dont Gow s’était attiré l’affection vint à Londres pour le voir avant sa mort, et qu’arrivant trop tard, elle eut le courage de demander à voir du moins le cadavre, puis saisissant la main du corps inanimé, elle reprit formellement la promesse qu’elle lui avait donnée : sans accomplir cette cérémonie, elle n’aurait pu, suivant la superstition du pays, éviter une visite de l’ombre de son défunt amant, aussitôt qu’elle accorderait à un vivant la foi qu’elle avait jurée au mort. Cette partie de la légende peut servir de curieux commentaire au joli conte de la charmante ballade écossaise qui commence par ces mots :


À la porte de Marguerite
Un revenant vint une nuit.


La tradition vulgaire porte encore que M. Fea, brave insulaire qui, par ses efforts, mit fin à la carrière d’iniquité de Gow, non seulement ne reçut aucune récompense du gouvernement, mais ne put même obtenir la protection dont il avait besoin pour repousser une foule de honteux procès à lui intentés par les procureurs de Newgate, qui agirent au nom de Gow et des autres pirates de l’équipage. Les dépenses diverses, les persécutions vexatoires et les autres suites ordinaires de la procédure dans laquelle son dévouement l’avait entraîné, dissipèrent entièrement sa fortune et ruinèrent sa famille : exemple mémorable pour tous ceux qui seraient tentés par la suite d’arrêter des pirates de leur propre autorité.

On doit supposer, pour l’honneur du gouvernement de Georges Ier, que la dernière circonstance, aussi bien que les dates et autres particularités communément admises, n’ont pas la moindre exactitude. En effet, on verra qu’elles sont tout-à-fait inconciliables