Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/120

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mais voilà tout. Pour vous parler clairement, Norna, la famille de Burgh-Westra m’a, depuis peu, totalement oublié. Mais indiquez-moi néanmoins les moyens de lui être utile ; je vous prouverai combien je me rappelle leurs anciennes bontés, combien peu j’ai de ressentiment de leur nouvelle froideur. — C’est bien parler, et je vous mettrai à même de prouver vos bonnes intentions, répondit Norna ; Magnus Troil a reçu un serpent dans son sein… Ses aimables filles sont livrées aux machinations d’un méchant. — Vous voulez dire l’étranger Cleveland ? — Oui, l’étranger qui s’appelle ainsi… le même que nous avons trouvé gisant sur le rivage, comme un mauvais tas d’herbes marines, au pied du Sumburgh Head. Un pressentiment secret me disait que j’aurais dû l’y laisser jusqu’à ce que la marée le remportât, comme elle l’avait amené sur la grève. Je me repens de ne pas l’avoir écouté. — Quant à moi, reprit Mordaunt, je ne puis me repentir d’avoir accompli le devoir d’un chrétien. Et quel droit ai-je de former un autre vœu ? Si Minna, Brenda, Troil, et les autres me préfèrent l’étranger, à quel titre en serais-je offensé ? On ferait bien de se moquer de moi, si je me comparais à lui. — C’est bien, et je compte qu’ils méritent ton amitié désintéressée. — Mais je crois apercevoir en quoi vous pensez que je puis les servir. Je viens seulement d’apprendre par Bryce, le colporteur, que ce capitaine Cleveland est au mieux avec les jeunes dames de Burgh-Westra et le vieux udaller lui-même. Il me siérait mal de m’introduire dans un lieu où je ne suis pas convié, et de mettre mon petit mérite en parallèle avec celui du capitaine Cleveland. Il peut leur raconter des batailles, quand je ne puis parler que de nids d’oiseaux ; se vanter d’avoir tiré sur des Français, quand je puis seulement dire que j’ai tiré sur des mouettes. Il a de beaux habits, une jolie tournure ; je suis vêtu simplement, et plus simplement élevé. D’aimables compagnons comme lui peuvent prendre les cœurs de ceux avec qui ils vivent, comme l’oiselier prend le guillemot avec sa glu et ses lacets. — Vous vous faites tort à vous-même, répondit Norna, oui, tort à vous-même, et plus grand tort à Minna et à Brenda ; n’ajoutez pas foi aux rapports de Bryce… il ressemble à cette baleine avide qui interrompt sa course, et plonge pour la moindre amorce que lui jette un pêcheur. À coup sûr, si vous avez baissé dans l’estime de Magnus Troil, ce drôle sordide y a participé. Mais qu’il tienne ses comptes en règle, car j’ai l’œil sur lui. — Et pourquoi, la mère, ne dites-vous pas à Magnus ce que vous venez de me dire ? — Parce que ceux qui se fient trop à leur sagesse doi-