Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/107

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tour du village, avait produit un effet sinistre sur l’esprit de monsieur Mertoun, et le fils n’osait plus parler sur aucun sujet qui s’y rattachât. Il serait assez temps de communiquer la proposition du capitaine Cleveland lorsque le vaisseau matelot arriverait, et quand il réitérerait son offre d’une manière plus formelle ; Mordaunt supposait que ces événements arriveraient sous peu.

Mais les jours se groupaient en semaines et les semaines en mois, et il n’entendait plus parler de Cleveland ; il apprit seulement par une visite accidentelle de Bryce Snailsfoot que le capitaine demeurait à Burgh-Westra comme membre de la famille. Mordaunt en fut quelque peu surpris, quoique l’hospitalité libérale de ces îles, hospitalité que Magnus Troil, vu sa fortune et son caractère, exerçait dans toute son étendue, dût faire regarder comme chose ordinaire de voir un étranger établi dans la maison jusqu’à ce qu’il jugeât bon d’en sortir. Il lui semblait étrange qu’il n’eût point encore visité les îles du nord pour s’enquérir de son bâtiment, ou qu’il ne préférât point plutôt résider à Lerwick, où les vaisseaux pêcheurs amenaient souvent des nouvelles des côtes et des ports d’Écosse et de Hollande. Et puis, pourquoi n’envoyait-il pas chercher la caisse qu’il avait déposée à Jarishof ? Et, par dessus tout, Mordaunt pensait que la simple politesse aurait dû obliger l’étranger à lui envoyer un message en signe de souvenir.

Ces sujets de réflexion se rattachaient à un autre encore plus désagréable et plus difficile à expliquer. Avant l’arrivée de cet étranger, une semaine ne se passait point sans que Mordaunt reçût de Burgh-Westra quelque compliment qui lui prouvât qu’on songeait toujours à lui, et les occasions manquaient rarement d’entretenir une correspondance suivie. Minna n’avait pas les paroles d’une ballade norse, ou désirait avoir pour ses diverses collections des plumes, des œufs, des coquillages ou quelques échantillons des herbes marines les plus rares ; Brenda lui envoyait une énigme à deviner ou une chanson à apprendre. L’honnête et vieil udaller, dans un barbouillage qui aurait pu passer pour une inscription runique, adressait ses cordiales salutations à son jeune ami, accompagnées d’un cadeau consistant en excellentes provisions de bouche, et de vives instances pour qu’il vînt bientôt à Burgh-Westra, et qu’il y demeurât aussi long-temps que possible. Ces aimables marques de souvenir étaient souvent apportées par un messager spécial : en outre, jamais passager ou voyageur n’allait d’une maison à l’autre sans dire à Mordaunt quelque joyeux compliment de