Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/106

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Mais une journée de chasse heureuse le réconcilia avec son fusil, et il se persuada, comme tous les jeunes chasseurs en pareille occasion, que tous les autres fusils n’étaient que des canonnières en comparaison. Mais être condamné à tirer des mouettes et des veaux marins, quand il y avait des Français et des Espagnols à viser… quand il y avait des vaisseaux où l’on pouvait monter à l’abordage, et des pilotes à descendre, lui semblait un sort déshonorant et méprisable. Son père lui avait parlé de quitter ces îles, et aucun autre genre d’occupation ne se présentait à son imagination que la profession de marin, à laquelle il s’était adonné depuis son enfance. Pendant long-temps son ambition n’avait pas d’abord visé plus haut qu’à partager les fatigues et les dangers d’une expédition de pêche dans le Groënland, car c’était sur ce théâtre que les Shetlandais accomplissaient leurs plus périlleuses aventures. Mais depuis que la guerre s’était rallumée, l’histoire de sir Francis Drake, du capitaine Morgan, et d’autres hardis aventuriers dont Bryce Snailsfoot lui avait vendu l’histoire, avait produit une vive impression sur son esprit, et l’offre du capitaine Cleveland revenait fréquemment à son imagination, quoique le plaisir d’un tel projet fût un peu diminué par la crainte de trouver, dans une longue course, beaucoup d’objections à faire contre le caractère de son futur commandant. Il avait déjà remarqué que l’étranger était opiniâtre, et qu’il pouvait facilement devenir injuste : si à sa bonne humeur se joignait un air de supériorité, son mécontentement devait contenir beaucoup plus de ce désagréable ingrédient que n’en pouvaient digérer les personnes soumises à ses ordres. Et pourtant, après avoir songé à tous les risques, s’il pouvait seulement obtenir l’assentiment de son père, avec quel plaisir Mordaunt irait-il alors chercher des scènes nouvelles et d’étranges aventures ! et il se proposait de s’illustrer par des exploits qui formeraient le sujet de mille histoires pour les aimables sœurs de Burgh-Westra… histoires qui feraient pleurer Minna, rire Brenda, et dont toutes deux s’émerveilleraient. Telle devait être la récompense de ses fatigues et de ses dangers ; car le foyer de Magnus Troil avait une influence magnétique sur ses pensées, et quelque part qu’elles s’égarassent dans ses rêveries, c’était le point où elles venaient aboutir.

Quelquefois Mordaunt songeait à faire part à son père de la conversation qu’il avait eue avec le capitaine Cleveland et de la proposition du marin ; mais les notions générales qu’il avait données à son père sur l’histoire de cet individu, le matin qui suivit son re-