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dire de tout le monde, était parti au petit jour sans que personne s’y attendît.

— Mais il n’a fait de tort à personne, dit mon hôte, il a laissé sur la table de sa chambre de quoi payer complètement son écot, et même quelque chose de plus pour le domestique, ce qui était d’autant moins nécessaire qu’il a sellé, à ce qu’il paraît, son cheval lui-même sans réclamer l’assistance du garçon d’écurie. »

Convaincu par ces dépositions de la sincérité de la conduite de Lambourne, Varney commença à lui parler de ses projets pour l’avenir et de la manière dont il comptait l’employer, ajoutant que Foster lui avait dit que lui, Lambourne, ne serait pas fâché d’entrer au service d’un grand seigneur.

« Avez-vous jamais été à la cour ? lui demanda-t-il.

— Non, répondit Lambourne ; mais depuis l’âge de dix ans, j’ai constamment rêvé une fois par semaine que j’y étais et que j’y faisais fortune.

— Ce sera de votre faute si votre rêve ne se réalise pas. Avez-vous besoin d’argent ?

— Dame ! répondit Lambourne, j’aime le plaisir.

— C’est une réponse suffisante, et une réponse franche, dit Varney. Savez-vous quelles sont les qualités nécessaires pour servir un courtisan qui songe à s’élever ?

— Je me suis toujours imaginé, monsieur, qu’il fallait avoir l’œil fin, la bouche close, une main prompte et hardie, l’esprit subtil et une conscience endurcie.

— Et la tienne, je suppose, est depuis long-temps endurcie ?

— Je ne me souviens pas qu’elle ait été jamais bien tendre, répondit Lambourne. Quand j’étais jeune, j’ai eu quelques scrupules, mais j’en ai perdu une partie à la guerre, l’autre je l’ai noyée dans les vagues de l’Atlantique.

— Tu as donc servi dans les Indes ?

— Dans les Indes orientales et occidentales, répondit notre candidat, sur mer et sur terre. J’ai servi le Portugal et l’Espagne, la Hollande et la France, et j’ai fait la guerre pour mon propre compte avec une bande de braves garçons qui soutenaient qu’au delà de la ligne on ne savait pas ce que c’était que la paix.

— Tu peux être utile à milord et à moi, ainsi qu’à toi-même, » dit Varney après un moment de silence ; « mais fais attention que je connais le monde, et réponds-moi franchement : peux-tu être fidèle ?

— Si vous ne connaissiez pas le monde, ce serait mon devoir de