Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/92

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la hâte une paire de pantoufles ; sa chevelure en désordre s’échappait de sa coiffe de nuit ; en un mot, son unique parure était sa beauté, qui semblait plutôt rehaussée que diminuée par le chagrin qu’elle ressentait de l’approche de la séparation.

« Adieu, ma bien-aimée, adieu, la plus aimable des femmes, » dit le comte en s’arrachant avec peine de ses embrassements, puis retournant encore pour la presser dans ses bras, en revenant une autre fois pour lui donner un dernier baiser et lui dire un nouvel adieu… « Le soleil va paraître sur l’horizon… Je n’ose m’arrêter davantage… Déjà je devrais être à dix milles d’ici. »

Telles furent les paroles qu’il prononça pour couper court à cette pénible entrevue.

« Vous ne voulez donc pas m’accorder ce que je vous demande ? dit la comtesse. Ah ! chevalier déloyal ! jamais dame, les pieds nus dans ses pantoufles, a-t-elle demandé à un brave chevalier quelque faveur que celui-ci lui ait refusée ?

— Demande-moi, Amy, tout ce que tu voudras, je te l’accorderai, répondit le comte ; j’en excepte pourtant, ajouta-t-il, ce qui peut nous perdre tous les deux.

— Eh bien ! dit la comtesse, je ne demande plus d’être reconnue sous un titre qui me rendrait l’envie de toute l’Angleterre… d’être reconnue comme l’épouse du plus brave, du plus noble, du premier et du plus tendrement aimé des seigneurs anglais… Permettez-moi seulement de faire part du secret à mon père chéri ; permettez que je mette un terme à ses alarmes sur mon compte… On dit qu’il est malade, cet excellent vieillard.

— On dit ? » reprit le comte avec vivacité ; « qui dit cela ? Varney n’a-t-il pas fait part à sir Hugh de tout ce que nous pouvons lui dire en ce moment au sujet de votre bonheur et de votre bien-être ? et ne vous a-t-il pas dit que le bon vieux chevalier continuait à se livrer avec la joie d’un homme bien portant à son exercice favori ? Qui a osé vous mettre d’autres idées dans la tête ?

— Oh ! personne, milord, personne. » dit la comtesse un peu alarmée du ton dont cette question fut faite ; « mais cependant, milord, je voudrais m’assurer par mes propres yeux de la santé de mon père.

— Cela est impossible, Amy ; tu ne peux à présent avoir de communication ni avec ton père, ni avec personne de sa maison. Quand même il ne serait pas d’une sage politique de ne pas confier le secret à plus de personnes qu’il n’est nécessaire, nous aurions un mo-