Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/9

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déjà elle soupçonnait des intentions sinistres. En conséquence, ils envoyèrent un messager à l’insu de cette dame pour prier le docteur Bayly d’engager la comtesse à prendre une petite potion d’après son ordonnance, et qu’eux-mêmes ils l’enverraient chercher à Oxford. Le docteur, soupçonnant avec raison leur mauvais dessein, celui d’ajouter quelque chose à la potion, car leur importunité paraissait extraordinaire, et jugeant combien peu la comtesse avait besoin de médicaments, refusa formellement de se rendre à leur demande. Il craignit, comme plus tard il le répéta, qu’après avoir empoisonné l’infortunée avec la potion qu’il aurait prescrite, ils ne le fissent pendre ensuite pour cacher leur crime ; il demeura encore plus convaincu que, si ce moyen n’avait aucun effet, la malheureuse n’échapperait pas long-temps à leurs violences, ce qui arriva en effet.

« Sir Richard Varney, chef des conspirateurs, était, d’après l’ordre du comte, le jour de la mort de la comtesse, resté seul avec elle, n’ayant pour le seconder qu’un seul homme aidé de Forster, lequel avait ce jour-là, de vive force, éloigné de la comtesse tous les domestiques de celle-ci pour les envoyer au marché d’Abingdon, à environ trois milles de distance de Cumnor. Après avoir étouffé ou étranglé la comtesse, les monstres la précipitèrent du haut en bas d’un escalier et lui rompirent le cou, en exerçant en outre sur elle beaucoup d’autres mauvais traitements. Toutefois bien qu’on eût rapporté qu’elle était par accident tombée de cette hauteur sans heurter son capuchon qu’elle avait encore sur la tête, les habitants de la contrée vous diront qu’elle fut entraînée de la chambre où elle avait coutume de se tenir, dans une autre où la tête du lit de cette chambre donnait sur une petite porte dérobée par laquelle les meurtriers arrivèrent pendant la nuit, et qu’alors ils étouffèrent la comtesse dans son lit, lui meurtrirent la tête lui brisèrent le cou, et puis la jetèrent du haut en bas de l’escalier pour faire croire au peuple qu’elle était tombée par accident, ce qui cacherait leur scélératesse. »

Mais admirez la justice de Dieu qui ne permit point qu’un si grand crime fut enseveli dans les ténèbres de l’oubli : un des individus qui y avaient participé fut arrêté plus tard pour crime capital, commis sur la frontière du pays de Galles ; et comme il offrit de révéler la manière dont le meurtre de la comtesse avait été consommé, il fut secrètement mis à mort dans sa prison par ordre du comte de Leicester. De son côté sir Richard Varney, qui mourut vers le même temps à Londres, expira misérablement au milieu des blas-