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En parlant ainsi, il conduisit son aimable épouse dans les pièces voisines où Varney et Foster les reçurent en leur faisant les plus profondes révérences, le premier avec la grâce d’un homme de cour, le second à la manière de sa congrégation. Le comte répondit avec la politesse insouciante d’un homme dès long-temps habitué à de semblables hommages, tandis que la comtesse les leur rendit avec une politesse minutieuse qui montrait qu’elle n’y était pas aussi accoutumée.

Le repas qui réunit ces quatre personnages répondait à la magnificence de l’appartement où il était servi ; mais aucun domestique n’y figura. Jeannette seule était là, prête à satisfaire aux demandes des convives ; d’ailleurs la table était si bien pourvue de tout ce qu’on pouvait désirer, que toute son assistance était pour ainsi dire inutile. Le comte et son épouse occupaient le haut bout de la table, Varney et Foster étaient au dessous de la salière, selon la coutume des inférieurs. Ce dernier, intimidé peut-être par une société à laquelle il n’était nullement habitué, ne prononça pas une seule syllabe pendant tout le repas. Varney, au contraire, avec beaucoup de tact et de discernement, soutint la conversation tout juste autant qu’il fallait pour l’empêcher de languir sans avoir l’air de s’en emparer, et entretint au plus haut degré la gaité du comte. Cet homme possédait vraiment toutes les qualités nécessaires pour remplir le rôle qui lui avait été confié : à la discrétion et à la prudence il joignait un esprit singulièrement subtil et inventif. Aussi la comtesse elle-même, toute prévenue qu’elle était contre lui sous beaucoup de rapports, trouvait-elle un vif plaisir à sa conversation, et elle fut plus que jamais disposée à unir ses éloges à ceux que prodiguait le comte à son favori. L’heure du repos étant arrivée, le comte et son épouse se retirèrent dans leur appartement, et le plus profond silence régna dans le château pendant le reste de la nuit.

Le lendemain de bonne heure, Varney remplit auprès de son maître les fonctions de chambellan ainsi que d’écuyer, quoique cette dernière charge fût proprement la sienne dans cette splendide maison où les chevaliers et les gentilshommes de bonne naissance étaient aussi glorieux de remplir ces emplois inférieurs que si c’eût été dans celle du souverain. Les devoirs de ces deux charges étaient familiers à Varney qui, issu d’une famille ancienne, mais ruinée, avait été page du comte quand il était encore dans l’obscurité. Fidèle à son maître dans l’adversité, il avait su lui être non moins utile dans sa rapide et brillante fortune, de sorte que son crédit près du comte