Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/84

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tesse. Hélas ! mon cher seigneur, il y a de quoi souiller votre noble cœur anglais en portant un pareil emblème. Reportez-vous au temps malheureux de la reine Marie, à cette époque où ce même Philippe régnait avec elle sur l’Angleterre ; rappelez-vous ces bûchers qui furent élevés pour nos plus nobles, nos plus sages prélats… Et vous, qu’on appelle le porte-étendard de la vraie foi protestante, vous vous enorgueillissez de porter les emblèmes d’un tyran papiste tel que le roi d’Espagne !

— Oh, mon amour ! répondit le comte, nous qui ouvrons nos voiles au vent des faveurs de la cour, nous ne pouvons pas toujours déployer les bannières que nous préférons, ni refuser de naviguer sous des couleurs que nous n’aimons pas. Croyez-moi, je n’en suis pas moins bon protestant pour avoir, par politique, accepté l’honneur que m’a fait l’Espagne de m’admettre dans son premier ordre de chevalerie. D’ailleurs il appartient réellement à la Flandre ; et Seymour, Orange et leurs adhérents sont fiers de le voir figurer sur la poitrine d’un Anglais.

— Milord, vous savez mieux que personne ce que vous avez à faire. Et cet autre collier, ce joyau si brillant, à quel pays appartient-il ?

— À un pays bien pauvre, mon amour ; c’est l’ordre de Saint-André, rétabli par le dernier des Jacques d’Écosse. Il me fut donné lorsqu’on crut que la jeune reine douairière de France et d’Écosse serait flattée d’épouser un baron anglais ; mais la couronne indépendante d’un baron anglais vaut bien une couronne royale dépendante du caprice d’une femme, surtout d’une femme qui ne possédait que les rocs et les marais stériles du nord.

La comtesse s’arrêta, comme si ce que venait de dire son époux eût éveillé en elle quelque pensée à la fois pénible et touchante ; et comme elle continuait à garder le silence, le comte poursuivit :

« Maintenant, ma bien-aimée, vos désirs sont satisfaits : vous avez vu votre vassal en costume aussi brillant que peut l’être un costume de voyage ; pour les robes d’apparat et les couronnes, elles ne se portent qu’au salon.

— Eh bien ! dit la comtesse, ce désir satisfait, suivant l’usage, en a fait naître un autre.

— Et que peux-tu me demander que je te puisse refuser ? » répondit son époux avec tendresse.

« Je désirais voir mon noble comte visiter cette obscure et mystérieuse retraite dans ce brillant costume de prince ; maintenant je