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lumière vacillante et mystérieuse dans cet asile du repos. Le parquet était couvert d’un tapis si épais que le pas le plus lourd n’eut pu être entendu, et le lit, formé du duvet le plus précieux, était revêtu d’une vaste courtepointe de soie brodée d’or, sous laquelle on entrevoyait des draps de la plus fine batiste et des couvertures aussi blanches que les agneaux qui avaient fourni leurs toisons pour les tisser. Les rideaux étaient de velours bleu, doublés de soie cramoisie, bordés de larges festons en or, et ornés d’une broderie représentant les amours de Psyché et de Cupidon. Sur la toilette était une belle glace de Venise, dans un cadre de filigrane d’argent, et à côté une timbale en or destinée à contenir le breuvage de nuit[1]. Une paire de pistolets et un poignard montés en or se faisaient remarquer près du lit, armes de nuit que l’on présentait aux nobles hôtes, plutôt, à ce qu’il paraît, par cérémonie que dans la crainte d’un danger réel. Nous ne devons pas omettre une circonstance qui fait plus d’honneur aux mœurs de cette époque. Dans un petit cabinet, éclairé par un cierge, étaient deux carreaux en velours et or, pareils aux draperies du lit, placés devant un prie-Dieu d’ébène artistement sculpté. Ce cabinet avait été autrefois l’oratoire particulier de l’abbé, mais le crucifix avait été enlevé pour mettre à sa place sur le prie-Dieu deux livres de prières, richement reliés et avec des ornements d’argent. À cette délicieuse chambre à coucher, dont le silence ne pouvait être troublé que par le bruit du vent qui sifflait parmi les chênes du parc, et que Morphée eut désirée pour s’y livrer au repos, correspondaient deux garde-robes ou cabinets de toilette, comme on dit à présent, meublées avec non moins de magnificence que tout ce que nous avons décrit. Il faut ajouter qu’une partie de l’aile adjacente du bâtiment était occupée par les cuisines et les offices, et disposée pour loger les personnes de la suite des hauts et puissants seigneurs pour qui on avait fait ces somptueux préparatifs.

La divinité pour laquelle on avait décoré ce temple était bien digne de toutes les peines et de tous les frais qu’il avait coûtés. Elle était assise dans le boudoir que nous avons décrit, contemplant, avec le plaisir d’une vanité innocente autant que naturelle, cette création subite de magnificence, comme si tout cela eût été fait en son honneur ; car son séjour à Cumnor-Place ayant été la cause des mystères apportés dans tous les travaux faits pour rendre ces ap-

  1. Le poset, dit le texte ; sorte de punch fait de vin, de sucre, de lait et d’œufs. a. m.