Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/64

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excusez la parabole, jeter des perles devant un pourceau. Ainsi, je vous parlerai le langage du monde, le langage que celui qui est le roi du monde vous a enseigné à entendre, et a exploité avec un talent si remarquable.

— Dis ce que tu voudras, honnête Tony, répliqua Varney ; car, soit que tu parles selon ton absurde foi ou selon ta criminelle conduite, ce que tu diras ne peut que bonifier ce vin d’Alicante. Ta conversation a un piquant qui surpasse le caviar, les langues de bœuf salées, enfin tous les excitants qui peuvent relever la saveur du bon vin.

— Eh bien donc, dites-moi si notre bon seigneur et maître ne serait pas mieux servi, et si cette antichambre ne serait pas plus convenablement remplie par des hommes honnêtes, craignant Dieu, qui exécuteraient ses volontés et songeraient à leur profit tranquillement et sans scandale, que par des débauchés et de misérables spadassins comme Tidesly, Killegrew, et ce drôle de Lambourne que vous m’avez chargé de vous chercher, et tant d’autres de la même trempe, qui portent la potence sur la figure et le meurtre dans la main, qui sont la terreur des gens paisibles et un scandale pour la maison de milord ?

— Vous avez raison, mon cher monsieur Foster, mais celui qui chasse toutes sortes de gibier doit avoir des faucons de tout genre, de grands et de petits. La carrière que suit milord n’est pas facile, il faut qu’il soit pourvu de serviteurs pour chaque emploi. Il faut qu’il ait un élégant courtisan comme moi pour le dérider dans son salon, et mettre la main sur la poignée de son épée si quelqu’un attaque par ses discours l’honneur de milord…

— Sans doute, ajouta Foster, et pour souffler un mot en son nom à l’oreille d’une belle, quand il ne peut pas en approcher lui-même.

— Il doit encore, » dit Varney, continuant sans paraître faire attention à cette interruption, « avoir à son service des gens de loi, rusés comme des renards, pour dresser ses contrats, ses pré-contrats, ses post-contrats, et lui fournir les moyens de tirer le meilleur parti possible des concessions de terres de l’église ou des communes, et des privilèges de monopole. Il lui faut encore des médecins pour épicer à propos un breuvage, et des cabalistes, comme Dec et Allan, pour conjurer le diable, et des spadassins déterminés pour le combattre s’il se présentait à eux, et par dessus tout, sans préjudice des autres, il lui faut des âmes pieuses, innocentes, puritaines, comme toi, honnête Foster, qui en même temps défient Satan et fassent son affaire.