Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/53

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— Tressilian, je ne puis, je ne dois, je n’ose pas abandonner ces lieux. Retournez près de mon père… dites-lui que j’obtiendrai d’aller le voir avant la fin de cette journée. Retournez, Tressilian… dites-lui que je suis bien, que je suis heureuse… Je voudrais pouvoir penser qu’il l’est aussi… Dites-lui de ne pas craindre mon retour, et qu’il sera tel qu’il lui fera oublier tous les chagrins qu’Amy fui a causés… La pauvre Amy est maintenant plus grande qu’elle n’ose le dire… Allez, bon Tressilian… j’ai eu bien des torts envers vous ; mais croyez qu’il est en mon pouvoir de guérir les blessures que j’ai faites… Je vous ai dérobé un cœur qui n’était pas digne de vous ; mais je puis vous dédommager de cette perte par les honneurs et par un brillant avancement.

— Est-ce à moi que s’adressent ces paroles, Amy ? Pouvez-vous m’offrir les pompes d’une vaine ambition en échange de la douce paix que vous m’avez ravie ?… Mais laissons cela… Je ne viens pas pour vous faire des reproches, mais pour vous servir et vous délivrer… Vous ne pouvez me le cacher, vous êtes prisonnière ; autrement votre cœur, car jadis votre cœur était bon, aurait déjà volé près du lit de votre père. Venez, pauvre fille, fille malheureuse et abusée… tout sera oublié… tout sera pardonné… Ne craignez de ma part aucune importunité au sujet de nos engagements… c’était un songe, et je me suis éveillé. Mais venez, votre père vit encore ; venez, et un mot de tendresse, une larme de repentir effacera le souvenir de tout ce qui s’est passé.

— Ne vous ai-je pas promis, Tressilian, que j’irai trouver mon père, et cela sans autre retard que celui qui m’est nécessaire pour remplir d’autres devoirs également impérieux ? allez lui porter cette nouvelle… Je me rendrai près de lui, aussi certainement que le ciel nous éclaire, mais quand j’en aurai obtenu la permission.

— La permission !… la permission de venir voir votre père sur son lit de douleur… peut-être sur son lit de mort ! » répéta Tressilian avec impatience ; « et la permission de qui ? d’un misérable qui, sous le masque de l’amitié, a violé les devoirs de l’hospitalité ; et vous a arrachée du toit de votre père !…

— Ne le calomnie pas, Tressilian. Celui dont tu parles porte une épée aussi bien affilée que la tienne… mieux affilée peut-être, homme présomptueux ! Car tes plus belles actions, soit en temps de paix, soit en temps de guerre, sont aussi peu dignes d’être mises en parallèle avec les siennes, que ton obscur nom de figurer dans la sphère où il se meut… Laisse-moi ! va porter mon message à mon