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latérale, il reconnut l’objet de ses recherches. Son premier mouvement à cette vue fut de se cacher le visage avec le collet de son manteau, jusqu’à ce qu’il trouvât un moment favorable de se faire connaître. Mais son plan fut déconcerté par la jeune dame (car elle n’avait pas plus de dix-huit ans), qui courut vers lui d’un air joyeux, et le tirant par son manteau lui dit gaîment :

« Allons, mon bien-aimé, après une si longue absence, vous ne venez pas me voir pour jouer une scène de bal masqué… Vous êtes accusé de trahison envers le véritable amour, la plus tendre affection ; vous devez comparaître à la barre et répondre à visage découvert… Que dites-vous ? coupable ou non coupable ?

— Hélas ! Amy, » dit Tressilian d’un ton bas et mélancolique, en lui laissant écarter son manteau de son visage. Le son de sa voix, et bien plus encore son aspect inattendu, firent cesser l’enjouement de la jeune dame… Elle recula, devint pâle comme la mort, et se couvrit la figure de ses mains. Tressilian lui-même fut un moment atterré ; mais comme s’il se rappelait tout-à-coup la nécessité de profiter d’une occasion qui pouvait ne pas se représenter, il lui dit d’une voix basse : « Amy, n’ayez pas peur de moi.

— Pourquoi aurais-je peur de vous ? » dit la jeune dame en découvrant son beau visage, animé en ce moment d’une vive rougeur. « Pourquoi aurais-je peur de vous, monsieur Tressilian ? et d’où vient que vous vous êtes introduit dans ma demeure sans y être invité, sans y être désiré ?…

— Votre demeure, Amy !… hélas ! une prison, votre demeure ? une prison gardée par un des hommes les plus vils, mais qui ne l’est pas plus que celui qui l’emploie !

— Cette maison est à moi, dit Amy, à moi tant qu’il me plaira de l’habiter… C’est mon plaisir de vivre dans la retraite : qui m’en empêchera ?

— Votre père, jeune fille, votre père désolé, qui m’a envoyé à votre recherche avec une autorité qu’il ne peut exercer en personne. Voici une lettre qu’il a écrite en bénissant ses souffrances corporelles qui faisaient un peu diversion à l’agonie de son âme.

— Ses souffrances !… Mon père est-il donc malade ? dit la jeune dame.

— Tellement malade que votre retour même, quelque prompt qu’il puisse être, ne lui rendra peut-être pas la santé ; mais en un instant tout sera prêt pour votre départ si vous consentez à me suivre.