Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/50

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vir un courtisan, et ton front est aussi impénétrable qu’un casque de Milan. Il n’y a qu’une seule chose sur laquelle je voudrais que tu t’amendasses.

— Et qu’est-ce que c’est, mon précieux ami Antony ? car je jure par l’oreiller des Sept-Dormants que je me dépêcherai de m’amender.

— Bon ! en voilà un exemple à l’instant même. Tu emploies trop souvent dans tes discours le jargon de l’ancien régime, et tu te sers à tout propos de jurons étranges qui sentent le papisme. En outre, tu as l’air trop débauché, trop dissolu pour prendre rang parmi les serviteurs d’un seigneur qui a une réputation à conserver aux yeux du monde. Il faut aussi réformer ton costume et adopter une mise plus grave et plus soignée, porter ton manteau sur les deux épaules, avoir un collet bien empesé qui ne soit pas chiffonné comme celui-là. Il faut encore élargir les bords de ton chapeau, diminuer l’ampleur superflue de ton haut-de-chausses, aller à l’église, ou, ce qui est mieux dit, à l’assemblée, au moins une fois par mois, ne jurer que sur ta foi ou sur ta conscience, mettre de côté ce regard de spadassin, enfin ne jamais toucher à la garde de ton épée que quand tu tireras pour tout de bon cette arme profane.

— Par le jour qui nous éclaire, Antony, tu es fou, répliqua Lambourne ; tu viens de faire le portrait de l’écuyer d’un puritain plutôt que celui du serviteur d’un courtisan ambitieux. Un homme tel que tu voudrais que je le devinsse devrait porter un livre à sa ceinture au lieu de poignard, et pourrait passer pour avoir tout juste autant de valeur qu’il en faut pour suivre un bourgeois au prêche de Saint-Antoine et prendre sa défense contre le premier boutiquier qui voudrait lui disputer le haut du pavé. Il doit s’accoutrer d’une autre manière, celui qui veut figurer à la cour, à la suite d’un grand seigneur.

— Apprends donc, Michel, qu’il y a eu des changements depuis que tu n’as vu le monde en Angleterre, et qu’il y a des gens qui arrivent à leur but par les moyens les plus hardis comme les plus secrets, sans jamais faire entendre une rodomontade, ni un jurement, ni un mot profane.

— C’est-à-dire qu’ils ont le diable pour associé dans leur commerce, et qu’ils ne font pas figurer son nom dans la signature de la maison. C’est fort bien : je ferai de mon mieux pour me contrefaire, plutôt que de perdre mon terrain dans ce nouveau monde, puisqu’à l’entendre il est si rigide. Mais, Antony, quel est le nom de ce