Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/463

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Ils s’inclinèrent et sortirent.

Qui décrira comment se passa le reste de cette journée à Kenilworth ? La reine, qui ne semblait y rester que dans le seul dessein d’accabler de mortifications et de sarcasmes le comte de Leicester, se montra aussi habile dans l’art de la vengeance féminine que dans celui de gouverner sagement ses peuples. Toute sa suite ne tarda pas à l’imiter ; et au milieu de ces brillants préparatifs de fêtes, lord Leicester, dans son château, éprouva déjà le sort réservé aux courtisans disgraciés par l’abandon de ses amis, dans les regards desquels il ne trouvait plus que froideur et mépris, et par un triomphe mal déguisé par ceux de ses ennemis avoués. Sussex, en raison de la généreuse franchise de son caractère ; Burleigh et Walsingham, à cause de leur sagacité pénétrante qui les faisait lire dans l’avenir, et quelques dames, par la compassion naturelle à leur sexe, furent les seules personnes dont le visage continua d’être pour lui ce qu’il avait été le matin.

Leicester était habitué à regarder la faveur de la cour comme le but principal de sa vie, et toutes les autres sensations s’effacèrent dans ce moment devant la torture que firent éprouver à son âme orgueilleuse les basses intrigues et les mépris étudiés dont il se voyait l’objet ; mais quand le soir il se fut retiré dans son appartement, cette longue et belle tresse de cheveux qui entourait la lettre d’Amy vint frapper ses yeux : telle qu’un talisman dont l’effet est de conjurer les noirs fantômes, elle bannit toutes ces sombres pensées de son cœur pour y réveiller des sentiments plus nobles et plus purs. Il la baisa mille fois ; et se rappelant qu’il était toujours le maître de se dérober à des mortifications telles que celles qu’il venait d’éprouver, en passant sa vie dans une noble et royale retraite avec la compagne aimable et chérie de son avenir, il sentit qu’il pouvait s’élever au-dessus de la vengeance qu’Élisabeth s’était abaissée à tirer de lui.

En conséquence, le comte déploya tant de dignité et d’égalité d’âme, il se montra si attentif aux besoins et aux plaisirs de sa société, et si indifférent en même temps à la conduite qu’on tenait à son égard, si respectueux et si réservé envers la reine, si patient à supporter les attaques dont son ressentiment ne cessait de l’accabler, qu’Élisabeth, quoique toujours froide et hautaine, cessa enfin de l’outrager directement. Elle fit entendre aussi, avec assez d’aigreur, à ceux qui croyaient se conformer à ses intentions par le peu d’égards qu’ils témoignaient au comte, que, tant qu’ils seraient