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— Assurément, monsieur, reprit Leicester, il y a d’autres occupations plus dignes d’un savant ; car le monde tient pour tel maître Tressilian. L’amour a ses intrigues aussi bien que l’ambition.

— Je vois, milord, que vous donnez beaucoup d’importance à mon ancien attachement pour l’infortunée jeune personne dont je vais vous parler, et que vous pensez peut-être que je soutiens sa cause plutôt par rivalité que par un sentiment de justice.

— Peu importe ce que j’en pense, monsieur ! continuez ; vous n’avez encore parlé que de vous-même, sujet très important et très digne d’occuper sans doute, mais qui ne m’intéresse pas assez vivement pour que je diffère d’aller me livrer au sommeil pour vous entendre. Épargnez-moi donc un plus long préambule, monsieur, et allez au but, si toutefois vous avez quelque chose à dire qui me concerne ; quand vous aurez fini, j’aurai à mon tour quelque chose à vous communiquer.

— Je parlerai donc sans retard, milord ; et, ayant à vous entretenir d’une chose qui intéresse l’honneur de Votre Seigneurie, j’ai la confiance qu’elle ne croira pas perdre son temps en m’écoutant. J’ai à prier Votre Seigneurie de m’apprendre quel est le sort de la malheureuse Amy Robsart, dont l’histoire vous est trop connue. Je regrette vivement de n’avoir pas d’abord pris ce parti, et de ne vous avoir pas fait juge entre moi et le scélérat qui l’a outragée. Milord, elle a échappé à un état de captivité illégal et plein de dangers ; mais, se fiant à l’effet que ses représentations pourraient avoir sur son indigne époux, elle m’arracha la promesse de ne pas intervenir en sa faveur avant qu’elle eût tout employé auprès de lui pour le décider à reconnaître ses droits.

— Ah ! dit Leicester, oubliez-vous de qui vous parlez ?

— Je parle de son indigne époux, milord, et tout mon respect ne peut me fournir de termes plus doux. La malheureuse jeune femme a disparu de l’endroit où elle était ; elle est enfermée dans quelque coin secret de ce château, si même elle n’a pas été transférée dans quelque retraite plus favorable à de sinistres desseins. Il faut y mettre un terme, milord ; il faut que ce fatal mariage soit déclaré et reconnu en présence de la reine, que la jeune dame soit affranchie de toute contrainte, et libre de disposer d’elle-même. Et permettez-moi de dire que l’honneur de personne n’est plus intéressé que celui de Votre Seigneurie à ce que mes justes demandes reçoivent satisfaction. »

Le comte restait, pour ainsi dire, pétrifié de l’extrême sang-froid