Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/440

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dant l’un à l’autre, ils semblaient exprimer les délices qu’ils goûtaient au milieu de ces lieux ravissants et paisibles, en les remplissant de leur douce harmonie.

Rêvant à des sujets très peu en rapport avec la chute des eaux, le clair de lune et le chant du rossignol, Leicester parcourut lentement la terrasse, enveloppé de son manteau, tenant son épée sous son bras, sans rien voir qui ressemblât à une figure humaine.

« J’ai été dupe de ma générosité, se dit-il, en laissant échapper le scélérat, et peut-être même en lui laissant le moyen de courir à la délivrance de sa complice, qui est si faiblement escortée. »

Telles étaient ses pensées, qui s’évanouirent bientôt quand il vit, en se retournant pour regarder du côté de l’entrée, une figure d’homme s’avancer lentement du portique, et obscurcir de son ombre les divers objets devant lesquels il passait en s’approchant de lui.

« Le frapperai-je avant d’entendre sa voix détestée ? » pensa Leicester en saisissant la poignée de son épée. « Mais non ; je veux voir quel est le but que le lâche se propose ; je veux suivre, quelque dégoûtante que soit cette tâche, les plis et replis de ce serpent venimeux avant d’employer ma force pour l’écraser. »

Sa main abandonna la garde de son épée, et il s’avança lentement vers Tressilian, rassemblant pour cette entrevue tout l’empire qu’il pouvait avoir sur lui-même. Il se trouvèrent enfin en face l’un de l’autre.

Tressilian fit un profond salut ; le comte y répondit par une inclination de tête pleine de hauteur, et lui adressa les paroles suivantes : « Vous m’avez demandé une conférence secrète, monsieur ; me voici, et je vous écoute.

— Milord, dit Tressilian, ce que j’ai à vous dire est d’une telle importance, et je désire si ardemment que vous m’écoutiez avec patience, je dirai plus, même favorablement, que je me soumettrai à me disculper auprès de Votre Seigneurie de tout ce qui aurait pu l’indisposer contre moi. Vous me croyez votre ennemi, milord ?

— Et n’en ai-je pas quelque motif apparent ? » dit le comte qui s’aperçut que Tressilian attendait sa réponse.

« Vous me connaissez mal, milord ; je suis l’ami et non le dépendant ou le partisan du comte de Sussex, que les courtisans appellent votre rival, et il y a déjà fort long-temps que j’ai cessé de regarder la cour et les intrigues de cour comme faites pour mon esprit et mon caractère.