Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/436

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— Ne dites pas nous, madame, reprit le comte ; nous disons que des femmes ordinaires, semblables aux astres inférieurs du firmament, ont leurs révolutions et leurs phases ; mais qui osera accuser d’instabilité le soleil, ou Élisabeth ? »

La conversation prit ensuite une tournure moins dangereuse, et Leicester continua de la soutenir avec vivacité, quelle que fût la torture secrète que cet effort lui coûtât. Elle parut si agréable à Élisabeth, que la cloche du château avait sonné minuit avant qu’elle se retirât, circonstance peu ordinaire dans les habitudes régulières et tranquilles qui partageaient son temps. Son départ fut, comme on le pense bien, le signal de la séparation de la compagnie, qui se dispersa et alla dans les différents appartements qui lui étaient destinés, rêver aux plaisirs du jour ou à ceux du lendemain.

Le malheureux seigneur du château, celui qui était l’auteur de ces fêtes superbes, se retira avec des pensées bien différentes. Le valet qui le suivit à son appartement reçut l’ordre de lui envoyer Varney immédiatement. Le messager revint, après avoir un peu tardé, et lui apprit qu’une heure s’était écoulée depuis que sir Richard Varney avait quitté le château par la poterne avec trois autres personnes, dont l’une était dans une litière portée par des chevaux.

« Comment se fait-il qu’il ait quitté le château après la fermeture des portes ? dit Leicester ; je croyais qu’il ne devait partir qu’au point du jour.

— J’ai cru comprendre qu’il a donné à la garde des raisons satisfaisantes, reprit le domestique, et de plus j’ai entendu dire qu’il avait montré la bague de Votre Seigneurie.

— C’est vrai, c’est vrai, dit le comte ; cependant il s’est trop pressé. A-t-il laissé ici quelques-uns de ses domestiques ?

— Michel Lambourne, milord, répondit le valet, qui ne s’est pas trouvé quand sir Richard est parti, et contre lequel son maître était fort irrité. Je viens de le voir à l’instant même seller un cheval pour courir après son maître.

— Dites-lui de venir ici à l’instant, dit Leicester, j’ai un message à lui donner pour Varney. »

Le domestique quitta l’appartement, et Leicester le parcourut quelques moments dans une profonde méditation ; « Varney est par trop zélé, se dit-il, par trop empressé. Il m’aime, je le crois, mais il a aussi ses vues personnelles, et il les poursuit d’une manière inexorable. Si je m’élève il s’élève aussi, et il ne s’est déjà montré