Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/42

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mon compagnon dans une visite que je vais faire à un homme qui vous est étranger : et tout cela par pure curiosité. Oh ! si l’on pesait avec soin cette excuse, on trouverait qu’il s’en manque de quelques scrupules qu’elle ait le poids, ou qu’elle n’est pas de bon aloi.

— Quand vos soupçons seraient fondés, dit Tressilian, vous ne m’avez pas montré assez de confiance pour attirer ou mériter la mienne.

— Oh ! si ce n’est que cela, mes motifs ne sont guère cachés. Tant que cela durera, » dit-il en prenant sa bourse, la jetant en l’air et la recevant dans sa main, « je m’en servirai à acheter du plaisir ; et quand il n’y aura plus rien, il faudra la remplir de nouveau. Maintenant, si la dame mystérieuse de ce manoir, si cette belle Dulcinée de Tony Allume-Fagots est un aussi admirable morceau qu’on le dit, il pourra se faire qu’elle m’aide à changer mes nobles d’or en gros sous ; et, d’un autre côté, si Antony est un drôle aussi riche qu’on le raconte, il pourra me faire part de la pierre philosophale, et convertir mes gros sous en beaux nobles à la rose.

— Voilà un admirable projet, dit Tressilian, mais je ne vois guère de chances pour qu’il s’accomplisse.

— Ce ne sera pas aujourd’hui, ni peut-être demain, reprit Lambourne ; je ne compte pas attraper le vieux renard avant d’avoir disposé convenablement mon amorce : mais j’en sais ce matin un peu plus de ses affaires que je n’en savais hier au soir, et je me servirai de ce que j’ai appris, de telle sorte qu’il me croira encore plus instruit que je ne le suis réellement. Si je n’espérais plaisir ou profit, croyez-moi, je n’eusse pas fait un pas pour venir ici ; car, je dois vous le dire, je regarde notre visite comme n’étant pas sans quelque risque. Mais maintenant que nous y voilà, il faut songer à nous en tirer de notre mieux. »

Tandis qu’il parlait ainsi, ils étaient entrés dans un grand verger qui entourait la maison des deux côtés, mais dont les arbres, privés de tous soins, couverts de branches gourmandes et de mousse, semblaient donner peu de fruits. Ceux qui autrefois avaient été rangés en espaliers avaient repris leur mode naturel de croissance, et présentaient des formes bizarres où se retrouvait la trace de leur disposition primitive. La plus grande partie du terrain, qui avait jadis été distribuée en parterre et semée de fleurs, était en quelque sorte abandonnée à la destruction, excepté quelques parties qui