Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/413

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— Non pas, milord, répondit son confident ; on verra Varney combattre et mourir à vos côtés. Pardonnez-moi si mon attachement pour vous me fait découvrir, plus que votre noble cœur ne vous le permet, les difficultés insurmontables qui vous environnent. Vous êtes fort et puissant, milord ; cependant souffrez que je le dise sans vous offenser, vous l’êtes seulement par l’éclat que répand sur vous la faveur de la reine. Tant que vous restez le favori d’Élisabeth, vous êtes en tout, à l’exception du nom, un véritable souverain. Mais qu’elle révoque les honneurs qu’elle vous accorde, et la gourde du prophète ne fut pas plus tôt flétrie que votre étoile ne pâlira. Déclarez-vous contre la reine : et je ne dis pas seulement que dans toute la nation et dans cette province seule vous vous trouverez à l’instant abandonné et trahi ; mais je dis encore que dans ce même château, au milieu de vos parents, de vos vassaux et de vos amis, vous deviendrez captif, et captif condamné, s’il lui plaît de dire un mot. Songez à Norfolk, milord, au puissant Northumberland, au brillant Westmoreland ; pensez à tous ceux qui ont voulu résister à cette sage princesse. Ils sont morts captifs ou fugitifs. Son trône ne ressemble pas à d’autres, qui peuvent être renversés par une réunion de seigneurs puissants ; les larges bases qui le soutiennent ne posent que sur l’amour et les profondes affections du peuple. Vous pourriez le partager avec Élisabeth, si vous vouliez ; mais ni votre puissance, ni aucune autre, soit étrangère, soit domestique, ne parviendra à le détruire ou même à l’ébranler. »

Il s’arrêta, et Leicester jeta ses tablettes avec dépit et désespoir.

« Il peut en être ainsi, dit-il, et peu m’importe que la vérité ou la poltronnerie ait dicté tes présages ! Mais du moins il ne sera pas dit que je sois tombé sans avoir fait aucune tentative. Donne des ordres pour que ceux de mes vassaux qui ont servi sous moi en Irlande se rassemblent dans le quartier principal, que nos gentilshommes et amis se tiennent sur leurs gardes et armés, comme s’ils s’attendaient à être attaqués par les partisans de Sussex. Répands l’alarme parmi les gens de la ville ; qu’ils prennent les armes, et soient prêts, à un signal donné, à s’emparer des gentilshommes à bec de corbin et de la garde.

— Permettez-moi de vous rappelez, milord, » dit Varney avec le même air de tristesse et de profond intérêt, « que vous venez de me donner l’ordre de tout préparer pour désarmer la garde de la reine : c’est un acte de haute trahison ; néanmoins vous serez obéi.