Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/408

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— Ce n’est qu’une feinte momentanée, madame, » répondit le comte irrité de son opposition, « nécessaire à votre sûreté et à la mienne, que vous avez compromise par un caprice digne de votre sexe, ou par le désir prématuré de vous emparer d’un rang auquel je ne vous donnai de droits que sous la condition que notre mariage resterait quelque temps secret. Si ma proposition vous révolte, songez que vous-même m’en avez donné l’idée. Il n’y a pas d’autre remède : il faut vous résigner à une mesure que votre imprudence a rendue nécessaire. Je vous l’ordonne.

— Vos ordres, milord, répondit Amy, ne peuvent pas balancer en moi ceux de l’honneur et de la conscience. Je ne vous obéirai pas dans cette circonstance. Vous pouvez achever votre déshonneur, car c’est là que cette politique tortueuse doit infailliblement vous conduire ; mais je ne ferai rien qui puisse entacher le mien. Comment pourriez-vous, milord, me reconnaître comme une pure et chaste épouse, digne de partager avec vous le haut rang que vous occupez, après que j’aurai parcouru le pays comme la femme reconnue d’un libertin sans principes tel que votre serviteur Varney ?

— Milord, dit Varney en intervenant, madame est malheureusement trop prévenue contre moi pour prêter l’oreille au parti que je pourrais indiquer. Cependant, il pourrait lui plaire plus que ce qu’elle propose. Elle a du pouvoir sur M. Edmond Tressilian, et il lui serait sans doute facile de le décider à l’accompagner jusqu’à Lidcote-Hall, où elle pourrait rester en sûreté jusqu’à ce que le temps permît de révéler ce mystère. »

Leicester garda le silence, mais fixa attentivement sur Amy des yeux qui parurent soudainement étincelants de jalousie autant que de ressentiment.

La comtesse répondit seulement : « Plût à Dieu que je fusse dans la maison de mon père !… Quand je la quittai, j’étais loin de penser que je laissais derrière moi l’honneur et la paix de l’âme. »

Varney continua d’un ton délibéré : « À la vérité, il deviendra nécessaire de mettre des étrangers dans les secrets de milord ; mais sans doute la comtesse sera garant de l’honneur de M. Tressilian et de ceux de la maison de son père qui…

— Paix ! Varney, dit Leicester ; par le ciel ! je te frappe de mon poignard si tu parles encore de Tressilian comme du dépositaire de mes secrets.

— Et pourquoi pas, dit la comtesse, à moins que ce ne soient des secrets plus convenables à des gens tels que Varney qu’à un homme