Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/391

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galons d’argent et aiguillettes : il ressemblait pour la forme à celui des anciennes Amazones, et convenait à sa taille et à la dignité de son maintien, auquel le sentiment de son rang et la longue habitude de l’autorité avaient donné quelque chose d’un peu trop masculin pour qu’elle parût avec autant d’avantage sous les vêtements ordinaires à son sexe. Leicester était vêtu d’un habit vert de Lincoln richement brodé en or, et orné d’un brillant baudrier soutenant un cor et un couteau de chasse, au lieu d’une épée ; et ce costume était aussi avantageux que ceux dont il se parait à la cour ou à l’armée, car le vêtement qu’il choisissait semblait toujours le plus propre à relever la perfection de sa taille et de sa figure.

La conversation d’Élisabeth et de son favori ne nous est pas parvenue en détail. Mais ceux qui les examinaient à quelque distance (et le coup d’œil des courtisans et des dames de la cour est sûr et pénétrant) étaient d’avis que dans aucune circonstance la dignité de gestes et de maintien de la princesse n’avait été si près de se changer en une expression d’indécision et de tendresse. Son pas était non seulement lent, mais même inégal, chose inaccoutumée dans sa démarche. Ses regards semblaient fixés sur la terre, et paraissaient avoir une tendance timide à fuir ceux de son compagnon, signe extérieur qui, dans les femmes, indique presque toujours que leur cœur renferme secrètement un désir contraire. On dit que la duchesse de Rutland, qui se hasarda à les approcher de plus près, assura même qu’elle avait remarqué une larme dans les yeux d’Élisabeth et de la rougeur sur ses joues. « La reine, dont le regard intimiderait un lion, dit encore la duchesse, baissa les yeux vers la terre pour éviter ceux de Leicester. » La conclusion qu’on pouvait tirer de ces signes extérieurs est assez évidente, et il est probable que ces remarques n’étaient pas sans fondement. Une conversation particulière prolongée entre deux personnes de sexe divers décide souvent de leur sort, et les entraîne quelquefois à des écarts qu’elles étaient loin de prévoir. La galanterie vient se mêler à la conversation, la tendresse et la passion finissent par se mêler à la galanterie. Les grands ainsi que les bergers, dans un moment aussi critique, en disent plus qu’ils n’avaient projeté, et les reines comme les bergères les écoutent plus long-temps qu’elles ne devraient.

Pendant ce temps les chevaux hennissaient et rongeaient leur frein d’impatience dans la cour ; les chiens, attachés par couples hurlaient, et les garde-chasse ainsi que les piqueurs se plaignaient de ce que la rosée ferait perdre le nez aux chiens et les empêche-