Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/39

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pas plus d’attention qu’à une chose morte ; j’ai l’air assez distingué pour mettre dedans Tony Allume-Fagots, et cela suffira pour l’affaire en question.

— Vous persistez donc dans votre projet de visiter votre ancienne connaissance ? dit Tressilian.

— Oui, monsieur. Quand les enjeux sont faits, la partie doit être jouée ; c’est la loi des joueurs dans le monde entier. Mais vous, monsieur, si ma mémoire ne me trompe, car je l’ai tant soit peu noyée hier dans la bouteille, vous êtes pour quelque chose dans ma gageure.

— Je me propose de vous accompagner dans votre aventure, répondit Tressilian, si vous voulez me faire la grâce de le permettre ; j’ai déposé ma part de l’enjeu entre les mains de notre digne hôte.

— C’est la vérité, dit Giles Gosling, et en nobles d’or de Henri, aussi braves que jamais bon vivant m’en métamorphosa en vin. Ainsi, que le succès accompagne votre entreprise, puisque vous voulez vous risquer près de Tony Poster ; mais, d’honneur, vous feriez bien de boire un coup avant de partir, car votre réception là-bas sera probablement des plus sèches. Et si vous vous trouvez en péril, gardez-vous d’employer le fer, mais envoyez-moi chercher, moi Gosling : constable et aussi fier que Tony, je pourrais bien lui donner une leçon. »

Le neveu obéit respectueusement à l’invitation de son oncle, en donnant à la pinte une seconde secousse qui pénétra jusqu’au fond ; il observa en même temps que son esprit ne le servait jamais aussi bien que quand il s’était lavé les tempes le matin avec un bon coup de vin ; là-dessus Tressilian et lui partirent ensemble pour l’habitation d’Antony Foster.

Le village de Cumnor est agréablement assis sur une colline ; dans un parc adjacent était situé l’antique manoir, richement boisé, qu’habitait Antony Foster, et dont les ruines existent encore. Le parc était alors plein de grands arbres, et surtout de vieux chênes étendant leurs branches gigantesques par dessus les hautes murailles qui entouraient cette habitation, ce qui lui donnait un air sombre, retiré, et tout-à-fait monastique. On entrait dans ce parc par un portail de vieux style, pratiqué dans le mur, dont l’entrée était formée par deux énormes battants de bois de chêne, garnis d’une épaisse couche de clous, comme la porte d’une ville antique.

« Nous serions joliment attrapés, » dit Michel Lambourne en regardant la porte, « si l’honneur soupçonneux de ce drôle le portait