Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/388

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pot et une cuvette qui étaient dans l’appartement ; « alors donc, maudit élément, fais ton devoir, quoique hier soir je crusse avoir bien assez de toi, tandis que je flottais en Orion comme un bouchon sur une barrique d’ale. »

En disant ces mots, il se mit à purifier son visage et ses mains des signes sanglants du combat et à rajuster ses habits.

« Que lui as-tu donc fait ? » demanda l’écuyer tranchant au geôlier en le prenant à part, « son visage est horriblement enflé ?

— Ce n’est que l’empreinte de la clef de mon armoire, et c’est une marque trop honorable pour sa figure patibulaire. Aucun homme ne maltraitera et n’insultera mes prisonniers ; ce sont mes bijoux à moi, et c’est pourquoi je les mets en lieu de sûreté ; ainsi donc, mistress, cessez vos gémissements… Hé, hé ! que veut dire cela ? assurément il y avait là une femme tout à l’heure.

— Je crois que vous êtes tous fous ce matin ; je n’ai pas vu de femme ici, ni même d’homme, à proprement parler, mais seulement deux animaux se roulant sur le plancher.

— Alors donc je suis perdu. La prison est forcée, voilà tout ; la prison de Kenilworth, la geôle la plus forte qui existe d’ici aux frontières de Galles ; oui, et un château dans lequel dorment des chevaliers, des comtes et des rois, aussi en sûreté que s’ils étaient dans la Tour de Londres. La prison est ouverte, la prisonnière enfuie, et le geôlier en grand danger d’être pendu. »

En parlant ainsi il s’achemina vers son propre gîte pour y achever ses lamentations, ou pour recouvrer sa raison par le sommeil. Lambourne et l’officier tranchant le suivirent de près, ce dont ils eurent lieu de s’applaudir, car le geôlier, par pure habitude, était sur le point de fermer le guichet derrière lui, et s’ils ne fussent arrivés à temps pour l’en empêcher, ils auraient eu le plaisir d’être enfermés dans l’appartement d’où la comtesse venait de s’échapper.

Cette infortunée ne s’était pas plus tôt vue libre qu’elle s’était enfuie comme nous l’avons dit, dans les jardins. Elle avait contemplé de la fenêtre de la tour de Mervyn cet espace de terrain richement orné, et il lui sembla au moment de sa fuite que parmi ces nombreux bosquets, ces bois, ces fontaines, ces statues et ces grottes, elle pourrait trouver quelque retraite pour y rester cachée jusqu’à ce qu’il se présentât une occasion de s’adresser à quelque protecteur auquel elle pourrait communiquer tout ce qu’elle oserait avouer de sa situation désespérée, et qui lui procurerait une entrevue avec son mari.