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jour, et la reine d’Angleterre ne pourrait lui offrir davantage. Il est mon mari ; je suis sa femme : ce que Dieu a joint, l’homme ne saurait le séparer. Je serai hardie à réclamer mes droits, d’autant plus hardie, que je viens à l’improviste et sans aucun appui. Je connais bien mon noble Dudley ! Il montrera un peu d’impatience de ce que je lui ai désobéi ; mais Amy pleurera, et Dudley lui pardonnera. «

Ces réflexions furent interrompues par un cri de surprise de Wayland, qui se sentit tout-à-coup saisi fortement au milieu du corps par une paire de longs bras noirs et décharnés, appartenant à un être animé, qui s’était laissé glisser des branches d’un chêne sur la croupe de son cheval, au milieu des éclats de rire des sentinelles.

« Ce ne peut être que le diable, ou encore Flibbertigibbet ! » dit Wayland après avoir fait de vains efforts pour se dégager, et désarçonner le lutin qui le serrait de toutes ses forces. « Les chênes de Kenilworth portent-ils de pareils glands ?

— Sans doute, maître Wayland, répondit son importun compagnon, et bien d’autres trop durs pour que vous puissiez les croquer, tout vieux que vous êtes, si je ne vous enseignais à le faire. Comment auriez-vous passé cette première porte, si je n’avais prévenu le poursuivant que notre jongleur en chef allait arriver derrière nous ? puis, m’élançant du haut de notre charrette sur cet arbre, je m’y suis blotti pour vous attendre, et je suppose qu’en ce moment ils perdent la tête parce qu’ils ne savent où je suis passé.

— Il faut vraiment que tu sois un émissaire de Satan, dit Wayland ; allons, je te donne carte blanche, bienfaisant diablotin, et je marcherai d’après tes conseils ; seulement, sois aussi bon que tu es puissant. »

Tout en causant ainsi, ils arrivèrent près d’une grosse tour, située à l’extrémité méridionale du vaste pont dont nous avons parlé, et qui avait été bâtie pour couvrir la porte extérieure du château de Kenilworth.

Ce fut dans cette pénible situation et dans une aussi singulière compagnie que l’infortunée comtesse de Leicester se présenta pour la première fois devant la magnifique demeure de son époux, de ce puissant seigneur, l’égal de plus d’un prince.