Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/312

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imaginaires, tous grossis et exagérés par son état d’abandon et par l’absence de tout appui et de tout conseil.

Une nuit sans sommeil l’avait tellement affaiblie, qu’elle se trouva le lendemain incapable de se rendre à l’appel de Wayland, qui se présenta à sa porte de bon matin. Le fidèle guide, vivement alarmé de son état, et non sans quelque crainte pour lui-même, était sur le point de partir seul pour Kenilworth, dans l’espoir d’y rencontrer Tressilian et de l’informer de l’approche de la comtesse, lorsque, sur les neuf heures, elle le fit demander. Il la trouva habillée et prête à se mettre en route, mais d’une pâleur qui lui donna des inquiétudes sur sa santé. Elle exprima le désir que les chevaux fussent amenés sur-le-champ, et résista avec impatience aux instances que lui fit son guide pour qu’elle prît quelque nourriture avant de partir. « J’ai bu, dit-elle, un verre d’eau ; le malheureux qu’on traîne au supplice n’a pas besoin d’un meilleur cordial, et ce qui lui suffit doit me suffire… Faites ce que je vous demande. » Comme Wayland hésitait encore : « Que voulez-vous de plus ? ajouta-t-elle ; n’ai-je pas parlé clairement ?

— Oui, répondit Wayland ; mais puis-je vous demander ce que vous comptez faire ? Je ne cherche à le savoir qu’afin de pouvoir me conduire selon vos désirs. Tout le pays est en mouvement et se porte comme un torrent vers Kenilworth. Il serait difficile d’y parvenir, quand même nous aurions les passeports nécessaires pour nous tenir lieu de saufs-conduits et nous donner la libre entrée. Inconnus et sans amis, il peut nous arriver quelque malheur. Votre Honneur me pardonnera de m’exprimer librement. Ne ferions-nous pas mieux d’essayer de retrouver nos comédiens et de nous joindre de nouveau à eux ? » La comtesse secoua la tête, et son guide continua : « Alors, je ne vois qu’un seul remède.

— Expliquez-vous donc, » dit la comtesse qui n’était peut-être pas fâchée qu’il lui donnât son avis, car elle aurait eu honte de le lui demander. « Je te crois fidèle… Que me conseillerais-tu ?

— Ce serait de m’envoyer prévenir M. Tressilian que vous êtes ici. Je suis convaincu qu’il monterait à cheval avec quelques uns des partisans de Sussex, et qu’il pourvoirait à votre sûreté personnelle.

— Et c’est à moi que vous proposez, dit la comtesse, de me placer sous la protection de Sussex, de l’indigne rival de Leicester ? »

Puis, voyant l’air de surprise avec lequel Wayland la regardait, et craignant d’avoir manifesté trop énergiquement l’intérêt qu’elle