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dessus je vous souhaite le bonjour… et un bon voyage, » ajouta-t-il en partant au trot avec la dame, tandis que le mercier, tout décontenancé, s’en retournait beaucoup plus lentement qu’il n’était venu, cherchant quelles excuses il pourrait faire à sa fiancée désappointée, qui, debout au milieu de la grande route, attendait son galant serviteur.

« Il m’a semblé, » dit la comtesse pendant qu’ils cheminaient, « que ce ridicule personnage me regardait comme s’il avait quelque souvenir de moi ; pourtant je me cachais le visage de mon voile autant que je le pouvais.

— Si je le croyais, dit Wayland, je retournerais et je lui fendrais la tête : je ne risquerais pas de lui endommager la cervelle, car il n’en a jamais eu plus gros que la tête d’une épingle. Cependant il vaut mieux songer à pousser en avant, et à Donnington nous laisserons le cheval de cet imbécile, afin qu’il n’ait pas une autre fois la tentation de nous poursuivre ; en même temps nous changerons notre costume de façon à déjouer ses recherches, s’il lui prenait fantaisie de les continuer. »

Les voyageurs atteignirent sans autre accident Donnington, où il devint nécessaire que la comtesse prît deux ou trois heures de repos. Pendant ce temps-là, Wayland s’occupa, avec autant d’adresse que d’activité, à concerter les mesures d’où semblait dépendre la sécurité du reste de leur voyage.

Il changea d’abord son manteau de colporteur pour une espèce de blouse, puis conduisit le cheval de Goldthred à l’auberge de l’Ange, qui était à l’extrémité du village opposée à celle où s’étaient logés nos voyageurs. Dans la matinée, comme il courait pour d’autres affaires, il vit le cheval amené et remis à l’intrépide mercier lui-même, qui, à la tête d’une nombreuse cohorte de paysans ameutés par ses cris, était venu pour le reprendre par la force des armes. Il lui fut remis sans d’autre rançon qu’une énorme quantité de bière que burent ses auxiliaires altérés apparemment par la promenade qu’il leur avait fait faire, et dont le paiement fut le sujet d’une violente dispute entre maître Goldthred et le bourgmestre, qu’il avait sommé de l’aider à soulever les gens du pays.

Après avoir fait cet acte de restitution aussi juste que prudent, Wayland se procura pour la comtesse aussi bien que pour lui des habillements qui leur donnaient l’air de campagnards de la classe la plus aisée. Il fut en outre résolu qu’afin de moins prêter aux observations, la comtesse passerait sur la route pour la sœur de son guide.