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dait à rendre ses griefs publics, la comtesse aurait encore, à Kenilworth, Tressilian pour avocat et la reine pour juge ; car Jeannette avait appris tout cela dans sa courte conférence avec Wayland. Elle finit donc par approuver le dessein qu’avait formé sa maîtresse de se rendre à Kenilworth, et s’exprima dans ce sens, lui recommandant de prendre toutes les précautions possibles pour informer son époux de son arrivée.

« As-tu été, prudente toi-même, Jeannette ? dit la comtesse ; ce guide à qui je dois accorder ma confiance, ne lui as-tu pas confié le secret de ma condition ?

— Il n’a rien appris de moi, dit Jeannette, et je ne crois pas qu’il sache plus que ce que le public pense généralement de votre position.

— Et que pense-t-on donc ?

— Que vous avez quitté la maison de votre père… Mais je vous offenserai de nouveau si je continue, » dit Jeannette en s’interrompant.

« Non, continue, dit la comtesse ; je dois apprendre à supporter les bruits injurieux auxquels mon extravagance a donné lieu. Ils croient, je suppose, que j’ai fui la maison de mon père pour former une liaison illégitime ; c’est une erreur qui sera bientôt dissipée ; oui ; elle sera promptement dissipée ; car je veux vivre avec une réputation sans tache, ou cesser de vivre. On s’imagine donc que je suis la maîtresse de mon Leicester ?

— La plupart disent que vous êtes celle de Varney ; cependant il y en a qui pensent qu’il n’est que le manteau dont son maître cache ses plaisirs ; car, en dépit de toutes les précautions, il a percé quelque chose dans le public des dépenses énormes faites pour meubler ces appartements, et de pareilles prodigalités dépassent de beaucoup les moyens de Varney. Toutefois cette dernière opinion est celle qui a le moins de crédit ; car on n’ose guère ébruiter des soupçons qui se rattachent à un si grand nom, de peur d’être puni par la Chambre étoilée, pour avoir calomnié la noblesse.

— Ils font bien de parler bas, dit la comtesse, ceux qui peuvent accuser l’illustre Dudley d’être complice d’un misérable tel que Varney… Voilà que nous touchons à la porte du parc… Hélas ! Jeannette, il faut que je te dise adieu ! Ne pleure pas, ma bonne Jeannette ! » dit-elle en s’efforçant de cacher sous un air riant le regret qu’elle éprouvait elle-même de se séparer de sa fidèle suivante. « En attendant que nous nous revoyions, remplace-moi cette fraise de pré-