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Et l’ombre encor plus amassée,
Buvons à la santé versée
Du joli, du joli hibou.

« Voilà qui n’est pas mal, mes cœurs, » dit Michel quand le mercier eut fini sa chanson ; « et je vois qu’il y a encore du bon parmi vous. Mais quel chapelet vous m’avez défilé des noms de mes anciens camarades, en ajoutant à chacun quelque parole de malheur ! Ainsi donc, Swashing Will de Vallingford nous a souhaité le bonsoir ?

— Oui, il est mort comme un daim, dit un membre de la compagnie ; il a été tué d’un coup d’arbalète par le vieux Thatcham, garde-chasse du duc à Womnington-Castle.

— Il avait toujours aimé la venaison, et un verre de claret par-dessus ; celui-ci sera donc bu à sa mémoire. Allons, faites-moi raison, mes maîtres. »

Après ce toast en l’honneur du défunt, Lambourne continua ses questions en s’informant de Prance de Padworts.

« Parti, immortalisé depuis dix ans, dit le mercier ; comment ? le château d’Oxford, Goodmann Thong, et un bout de corde de dix sous, vous l’apprendront.

— Quoi ! le pauvre Prance a été pendu ? Voilà ce que c’est que d’aimer à se promener au clair de la lune. Allons, une rasade à sa mémoire, mes amis. Tous les bons vivants aiment le clair de lune. Et qu’est devenu Isal, l’homme aux plumes, celui qui demeurait près de Yattenden, et portait un si long plumet ?… j’oublie son nom.

— Qui ? Isal Hempseed ? répliqua le mercier ; vous devez vous rappeler qu’il tranchait du gentleman, et qu’il voulait se mêler des affaires de l’État ; en bien ! il s’est fourré dans le bourbier avec le duc de Norfolk[1], il y a deux ou trois ans, s’est enfui du pays avec un mandat d’arrêt à ses trousses, et oncques depuis on n’en a entendu parler.

— Après tous ces malheurs, dit Lambourne, je n’ai guère besoin de m’informer de Tony Poster ; car au milieu de ce déluge de cordes, de coups d’arbalète, de mandats d’arrêt, il est douteux que Tony s’en soit tiré.

— De quel Tony Poster voulez-vous parler ? demanda l’aubergiste.

— Bon ! de celui qu’on appelait Tony Allume-Fagots, parce qu’il

  1. Qui fut décapité pour avoir trahi Élisabeth, et servi Marie Stuart, dont il voulait devenir l’époux. a. m.