Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/244

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« Es-tu dégrisé maintenant, et me comprends-tu ? » lui dit Varney avec sévérité.

Lambourne s’inclina en signe d’affirmation.

« Il faut que tu partes sur-le-champ pour Cumnor avec le respectable homme de l’art qui dort là-haut dans la petite chambre voûtée. Voici la clef, pour que tu puisses l’appeler quand il sera temps. Tu prendras avec toi un de tes compagnons sur qui l’on puisse compter. Traite notre homme avec égard pendant la route, mais ne le laisse pas échapper. Fais-lui sauter la cervelle s’il cherche à s’enfuir, et je me rendrai ta caution. Je te donnerai des lettres pour Foster. Le docteur doit occuper le rez-de-chaussée du pavillon de l’est, avec liberté de faire usage de l’ancien laboratoire et de tout ce qu’il contient… Il ne doit avoir accès auprès de la jeune dame que quand je l’aurai ordonné ; seulement elle pourra s’amuser de ses tours de sorcier. Tu m’attendras à Cumnor jusqu’à nouvel ordre ; et, sur ta vie, garde-toi du pot d’ale et du flacon d’eau-de-vie. L’air respiré à Cumnor-Place doit être complètement isolé du reste de l’atmosphère.

— Il suffit, milord… je veux dire mon digne maître, qui bientôt, je l’espère, serez mon honorable chevalier et maître. Vous m’avez donné mes instructions et ma liberté… J’exécuterai les unes et n’abuserai pas de l’autre. Je serai à cheval à la pointe du jour.

— Agis de la sorte, et mérite ma bienveillance… Attends, avant de t’en aller, remplis-moi un verre de vin… non pas de celui-là, diable ! » s’écria-t-il, comme Lambourne versait de celui qu’Alasco avait laissé. « Va m’en chercher un autre flacon. »

Lambourne obéit, et Varney, après avoir rincé sa bouche avec la liqueur, en but un plein verre et prit la lampe pour se retirer dans sa chambre à coucher. « C’est étrange ! personne n’est moins que moi esclave de son imagination ; cependant je ne puis parler pendant quelques minutes avec ce drôle d’Alasco, que je ne sente ma bouche et mes poumons comme infectés par des vapeurs d’arsenic calciné… Pouah ! »

En disant ces mots, il quitta l’appartement. Lambourne demeura pour boire un verre du flacon nouvellement débouché. « C’est du Saint-Johnsberg, » dit-il en s’arrêtant pour en savourer le bouquet, « et il a le vrai parfum de la violette. Mais je dois m’en abstenir aujourd’hui, afin de pouvoir un jour en boire tout à mon aise. » Alors, il avala un verre d’eau pour éteindre les fumées du vin du Rhin, se retira lentement vers la porte, s’arrêta, et enfin, ne pouvant résis-