Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/243

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— Tout, tout, homme incrédule pour toutes choses, excepté pour les impossibilités de l’alchimie… Et pour qui me prends-tu donc, je te prie ? »

Le vieillard se leva, prit une lumière, et, traversant l’appartement, se dirigea vers une porte qui conduisait à la petite chambre à coucher où il devait passer la nuit… Arrivé à la porte, il se retourna, et répéta lentement la question de Varney avant d’y répondre… « Pour qui je te prends, Richard Varney ?… je te prends pour un démon pire que je ne l’ai été moi-même. Mais je suis dans vos filets, et je dois vous servir jusqu’à ce que mon terme soit expiré.

— Bien, bien, » répondit Varney vivement ; « sois levé au point du jour… Il se peut que nous n’ayons pas besoin de ta drogue… Ne fais rien avant que je vienne moi-même… Michel Lambourne te conduira au lieu de ta destination. »

Quand Varney eut entendu l’adepte tirer sa porte et la verrouiller soigneusement, il s’en approcha, et avec de semblables précautions, la ferma au dehors et ôta la clef, en murmurant entre ses dents : « Pire que toi, empoisonneur, vil charlatan, sorcier manqué ! si tu n’appartiens pas au diable, si tu n’es pas son esclave, c’est parce qu’il dédaigne un pareil apprenti. Je suis un homme, moi, et je cherche par des moyens humains à satisfaire mes passions et à réaliser mes projets de fortune ; mais toi, tu es un vassal de l’enfer même… Holà ! Lambourne ! » cria-t-il à une autre porte, et Michel parut le visage enluminé et d’un pas chancelant.

« Tu es ivre, coquin ? lui dit Varney.

— Sans doute, mon noble maître, « répondit l’imperturbable Michel, « nous avons bu toute la soirée à la gloire de ce jour, et au noble comte de Leicester, ainsi qu’à son vaillant écuyer. Oui, je suis ivre ! Poignards et épées ! celui qui refuserait de boire une douzaine de santés après un tel jour ne serait qu’un misérable, un bélître, et je lui ferais boire six pouces de ma dague.

— Écoute-moi, drôle : dégrise-toi sur-le-champ, je te l’ordonne. Je sais que tu peux quitter à volonté ces airs d’ivrogne, comme on quitte un costume de fou ; dépêche-toi, autrement il pourrait t’arriver malheur. »

Lambourne baissa la tête, sortit de l’appartement, et revint deux ou trois minutes après avec une figure rassise, les cheveux peignés, les habits en ordre, aussi différent de ce qu’il était d’abord que si c’eût été un autre homme.