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étaient bien faites pour lui prouver qu’il jouissait d’un degré de faveur auquel, même dans ses jours les plus glorieux, il n’était pas encore parvenu. Son rival, il est vrai, avait été à plusieurs reprises honoré de l’attention d’Élisabeth ; mais elle paraissait bien moins l’expression spontanée d’une tendre affection, qu’une concession arrachée par le sentiment de son mérite. D’ailleurs, au jugement de plusieurs courtisans expérimentés, la faveur qu’elle lui avait témoignée avait été contre-balancée par ces mots qu’elle avait dits tout bas à l’oreille de la comtesse de Derby : « qu’elle reconnaissait que la maladie était un plus habile alchimiste qu’elle ne l’avait cru jusque-là, puisqu’elle avait changé en un nez d’or le nez cuivré de roi lord Sussex. »

Cette plaisanterie transpira, et le comte de Leicester jouit de son triomphe comme un homme dont toutes les pensées avaient pour objet la faveur de sa souveraine ; il oublia même, dans l’ivresse du moment, les embarras et les dangers de sa position. Quelque étrange que la chose puisse paraître, il pensait moins alors aux périls auxquels l’exposait sa secrète union, qu’aux marques de faveur que la reine accordait de temps en temps au jeune Raleigh. Elles étaient passagères, à la vérité, mais elles tombaient sur un jeune homme accompli au moral comme au physique, également remarquable par sa grâce, sa galanterie, la culture de son esprit et sa valeur. Un incident survint dans le cours de la soirée qui donna encore plus à réfléchir à Leicester.

Les nobles et les courtisans qui avaient accompagné la reine dans sa partie de plaisir furent invités, avec une hospitalité toute royale, à un banquet splendide qui eut lieu dans la salle du palais. La table, il est vrai, ne fut pas honorée de la présence de la souveraine ; car, fidèle à certaines idées de modestie et de dignité qu’elle s’était formées, la reine avait coutume, en ces occasions, de prendre en particulier, avec deux ou trois de ses favorites, un repas léger et frugal. Après le repas, la cour s’étant réunie dans les magnifiques jardins du palais, la reine demanda tout-à-coup à une dame, qui en raison de ses fonctions et de la faveur dont elle jouissait se trouvait près d’elle, ce qu’était devenu le jeune chevalier du manteau.

Lady Paget répondit qu’elle avait vu, deux ou trois minutes auparavant, M. Kaleigh à la fenêtre d’un petit pavillon qui avait vue sur la Tamise, et écrivant sur une vitre avec le diamant d’une bague.

« Cette bague, dit la reine, est un petit présent que je lui ai fait