Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/219

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plus cher, au bonheur de sa présence, et je me mortifierai en me privant pour un court instant de l’aspect radieux de Diane, pour marcher à la clarté des étoiles. Je prendrai place dans le bateau des dames, et je laisserai jouir ce jeune cavalier de l’heure de félicité sur laquelle il comptait. »

La reine répondit d’un ton moitié enjoué, moitié sérieux : « Si vous avez tant d’envie de nous quitter, milord, il faut bien nous résigner à cette mortification. Mais, avec votre permission, quelque vieux et expérimenté que vous vous croyiez, nous ne vous confierons pas le soin de nos dames d’honneur. Votre âge vénérable, ajouta-t-elle en souriant, sera mieux assorti avec le lord-trésorier qui nous suit dans le troisième bateau, et dont l’expérience peut profiter même de celle de lord Willoughby. »

Lord Willougliby cacha son désappointement par un sourire, puis d’un air confus, quoique riant, il salua et quitta la barque de la reine, pour entrer dans celle de lord Burleigh. Leicester, qui s’efforçait de donner le change à sa pensée, en la fixant sur ce qui se passait autour de lui, remarqua cette circonstance. Mais quand la barque eut pris le large, quand la musique se fut fait entendre d’une barque voisine, quand les acclamations de la populace s’élevèrent du rivage, et que tout lui rappela la situation où il se trouvait, il fit un effort énergique pour détacher son esprit de toute autre pensée que la nécessité de se maintenir dans la faveur de sa protectrice. Il déploya avec tant de succès ses moyens de plaire, que la reine, charmée de sa conversation, mais alarmée pour sa santé, finit par lui imposer, d’un air riant et plein d’une aimable sollicitude, un silence momentané, de peur qu’une conversation trop animée n’épuisât ses forces.

« Milords, dit-elle, puisque nous avons rendu un édit de silence temporaire contre notre bon Leicester, nous vous demanderons votre avis sur un sujet plaisant, plus fait pour être traité au milieu de la gaîté et de la musique qu’avec la gravité de nos délibérations ordinaires… Qui de vous, milords, dit-elle en souriant, connaît une pétition d’Orson Pinnit, gardien, comme il se qualifie, de nos ours royaux ? Qui de vous se fera son avocat ?

— Avec la permission de Votre Majesté ce sera moi, dit le comte de Sussex ; Orson Pinnit a été un brave soldat, avant d’avoir été mutilé par les armes du clan irlandais de Mac-Donough, et j’ai la confiance que Votre Majesté se montrera, comme elle l’a toujours fait, une bonne maîtresse pour ses bons et loyaux serviteurs.