Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/206

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lorsqu’il jugea, à la manière dont la reine le regardait, que les aveux de Varney, quels qu’ils eussent été, avaient opéré en sa faveur. Élisabeth ne le laissa pas long-temps dans le doute, car la manière plus que favorable dont elle l’aborda fit éclater son triomphe aux yeux de son rival et de toute la cour d’Angleterre assemblée. « Vous avez, dit-elle, dans ce Varney un serviteur bien indiscret ; il est heureux que vous ne lui ayez rien confié qui pût vous nuire dans mon opinion, car, soyez en sûr, il ne vous eût pas gardé le secret.

— Le garder vis-à-vis de Votre Majesté, » dit Leicester en fléchissant le genou avec grâce, « serait une trahison. Je voudrais que mon cœur fût devant vos yeux plus net que la langue d’aucun de mes serviteurs ne peut vous le montrer.

— Quoi ! milord, » dit Élisabeth en le regardant avec tendresse, « n’y a-t-il pas quelque petit coin sur lequel vous voudriez jeter un voile ? Ah ! je vois que vous demeurez confus à cette demande ; mais votre reine sait qu’elle ne doit pas trop approfondir les motifs de la fidélité de son serviteur, de peur d’y voir ce qui pourrait, ou du moins ce qui devrait lui déplaire. »

Rassuré par ces dernières paroles, Leicester prodigua, dans les termes les plus passionnés, les assurances de son attachement, protestations qui peut-être, en ce moment, n’avaient rien que de sincère. Les diverses émotions qui l’avaient d’abord agité faisaient place maintenant à l’énergie avec laquelle il s’était déterminé à soutenir son rang dans les faveurs de la reine ; et jamais il ne parut à Élisabeth plus éloquent, plus beau, plus intéressant qu’au moment où, prosterné à ses pieds, il la conjura de le dépouiller de tout son pouvoir, mais de lui laisser le titre de son serviteur. « Retirez au pauvre Dudley, s’écria-t-il, tout ce que votre bonté lui a donné, et permettez qu’il redevienne un pauvre gentilhomme comme au temps où votre faveur s’est abaissée pour la première fois sur lui ; ne lui laissez que son manteau et son épée ; mais laissez-le se flatter qu’il possède encore ce qu’il n’a mérité de perdre ni par ses paroles, ni par ses actions, l’estime de son adorée reine et maîtresse.

— Non, Dudley, » dit Élisabeth en le relevant d’une main, tandis qu’elle lui donnait l’autre à baiser, « Élisabeth n’a pas oublié qu’au temps où vous n’étiez qu’un pauvre gentilhomme, dépouillé de votre rang héréditaire, elle était une pauvre princesse, et que pour sa cause vous avez aventuré tout ce que l’oppression vous avait laissé, votre vie et votre honneur. Levez-vous, milord, et laissez