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préparaient ainsi à leur prochaine rencontre sous les yeux de la reine Élisabeth, elle-même n’était pas sans appréhension de ce qui pouvait arriver du choc de deux esprits si hautains, soutenus l’un et l’autre par un corps nombreux de partisans, et qui partageaient entre eux, soit ouvertement, soit en secret, les espérances et les vœux de la cour. La troupe des gentilshommes pensionnaires était sous les armes, et un renfort de yeomen de la garde était venu de Londres par la Tamise ; en outre, une proclamation avait été publiée par la reine, qui défendait strictement aux nobles de tout rang d’approcher du palais avec des gardes ou une suite portant des armes à feu ou de longues armes ; on disait même tout bas que le haut shérif de Kent avait reçu de secrètes instructions pour tenir une partie de la milice du comté prête à marcher au premier signal.

L’heure de cette intéressante audience, à laquelle on s’était préparé de part et d’autre avec tant de sollicitude, arriva enfin, et chacun des deux comtes rivaux, accompagné de sa longue suite d’amis et de partisans, entra dans la cour du palais de Greenwich à midi précis.

Comme si c’eût été un arrangement pris à l’avance, ou peut-être parce qu’on leur avait intimé que tel était le bon plaisir de la reine, Sussex avec sa suite se rendit de Deptford au palais par eau, tandis que Leicester arriva par terre ; de sorte qu’ils entrèrent dans la cour par deux portes opposées. Cette circonstance frivole donna à Leicester un certain avantage dans l’opinion du vulgaire. Le cortège de ses partisans, tous à cheval, paraissait bien plus nombreux et bien plus imposant que la suite de Sussex, qui était nécessairement à pied. Les deux rivaux ne se firent pas le moindre salut, quoique chacun regardât l’autre en face, attendant peut-être une marque de politesse qu’il ne voulait pas donner le premier. Presque au moment même de leur arrivée, la cloche du château sonna, les portes du palais s’ouvrirent, et les deux comtes entrèrent accompagnés de toutes les personnes de leur suite à qui leur rang donnait ce privilège ; celles d’un rang inférieur restèrent avec les gardes dans la cour, où les partis opposés se lançaient des regards de haine et de mépris, comme s’ils eussent attendu avec impatience une occasion de tumulte ou quelque prétexte pour s’attaquer mutuellement. Mais ils furent retenus par les ordres formels de leurs chefs, et peut-être davantage par la présence d’une force armée plus nombreuse que de coutume.

Cependant les personnes les plus distinguées de chaque parti sui-