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CHAPITRE XV.

LE MESSAGE.


Valets grossiers et impolis ! quoi ! nul soin, nulle attention, nul sentiment du devoir ! Où est le coquin que j’ai envoyé d’abord ?
Shakspeare. La méchante Femme mise à la raison.


Il n’y a pas de moment où les hommes paraissent plus laids aux yeux les uns des autres, et se sentent plus mal à leur aise que lorsque les premiers rayons du jour les surprennent à veiller. Une beauté du premier ordre elle-même, après un bal auquel le soleil levant est venu mettre fin, ferait sagement de se soustraire aux regards de ses admirateurs les plus ardents et les plus dévoués. Telle était la lumière triste et défavorable qui commençait à éclairer ceux qui avaient veillé toute la nuit dans l’antichambre de Say’s-Court, et qui mêlait sa clarté pâle et bleuâtre à la lueur rouge, jaune et fumeuse des torches et des lampes expirantes. Le jeune élégant dont nous avons parlé dans notre dernier chapitre avait quitté la salle depuis quelques minutes pour aller reconnaître la cause de plusieurs coups de marteau qu’il avait entendus à la porte du château. Comme il rentrait, il fut si frappé de l’air abattu et défait de ses compagnons de veille, qu’il s’écria : « Dieu ! mes maîtres, que vous ressemblez à des hiboux ! il me semble qu’au lever du soleil je vous verrai vous enfuir, les yeux éblouis, pour aller vous cacher dans quelque buisson, ou dans quelque clocher ruiné.

— Tais-toi, maudit fou, dit Blount, tais-toi, pour Dieu ! Est-ce le moment de plaisanter lorsque l’honneur de l’Angleterre rend peut-être le dernier soupir dans la pièce voisine ?

— Tu mens, répondit le jeune élégant.

— Comment ! » s’écria Blount en se levant, « je mens, et c’est à moi que tu oses le dire !

— Oui, tu as menti, damné bourru, répliqua le jeune homme ; tu as menti sur ce banc où tu es assis. Mais n’es-tu pas fou de t’emporter ainsi pour un mot de travers ? J’aime et j’honore milord aussi sincèrement que toi, et qu’aucun autre ; pourtant je soutiens