Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/163

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Tressilian l’ayant interpellé pour lui demander le motif d’une métamorphose aussi singulière et aussi complète, Wayland se borna à répondre en chantant une stance d’une comédie[1], alors nouvelle, et qui, au jugement des personnes les plus indulgentes, semblait annoncer quelque génie chez son auteur. Nous sommes heureux de pouvoir en citer le refrain mot pour mot.

Ban, ban ça, Caliban,
Avec maître nouveau
Deviens homme nouveau.

Ces vers, dont Tressilian ne se souvenait nullement, lui rappelèrent que Wayland avait été autrefois comédien, circonstance qui expliquait tout naturellement la promptitude avec laquelle il avait pu opérer ce changement total dans son extérieur. L’artiste lui-même était si persuadé que son déguisement était complètement changé, ou plutôt d’avoir complètement changé son déguisement pour parler plus correctement, qu’il regrettait que ce ne fût pas le chemin de passer devant son ancienne retraite.

« Je ne craindrais pas, dit-il, d’aller sous ce costume, et avec la protection de Votre Honneur, regarder en face monsieur le juge Blindas, même un jour d’assises ; je voudrais aussi savoir ce qu’est devenu le lutin qui doit faire un jour le diable dans le monde, s’il peut rompre sa chaîne et se débarrasser de sa grand’mère et de son magister… Et ma pauvre caverne ! J’aurais été bien aise de voir quel dégât l’explosion d’une pareille quantité de poudre a fait parmi les cornues et les fioles du docteur Démètrius Doboobie. Je parie que ma renommée vivra dans la vallée de White-Horse longtemps après que mon corps aura été mangé des vers, et que plus d’un paysan attachera encore son cheval, déposera son groat d’argent, et sifflera comme un matelot pendant le calme, pour que Wayland Smith vienne ferrer son cheval ; mais le cheval sera fourbu avant que je réponde à l’appel. «

Sous ce rapport, Wayland a été bon prophète, et les fables s’accréditent si facilement, qu’il existe encore aujourd’hui dans la vallée de White-Horse, une tradition confuse de la manière extraordinaire dont il exerçait la profession de maréchal ; et, ni la tradition de la victoire d’Alfred, ni celle du célèbre Pusey-Horn[2], ne se sont mieux conservées dans le Berkshire que la légende de Wayland Smith.

  1. La Tempête de Shakespeare. a. m.
  2. Roi du pays de Galles. a. m.