Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/158

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bannissez vos appréhensions, monsieur Tressilian : j’ai reconnu le genre de maladie du bon chevalier d’après ce que m’a dit M. William Badger ; et je me flatte d’en savoir assez pour administrer une petite dose de mandragore, qui, avec le sommeil qu’elle procurera, est tout ce qu’il faut à sir Hugh Robsart pour calmer le désordre de son cerveau.

— J’aime à croire que tu agis loyalement avec moi, dit Tressilian.

— Très loyalement, en honnête homme, comme l’événement le prouvera. Que me servirait de faire du mal à un pauvre vieillard auquel vous vous intéressez, vous à qui je suis redevable de ce que Gaffer Pinniewinks ne me déchire pas en ce moment la chair et les nerfs avec ses maudites pinces, et ne sonde pas chacune des taches que j’ai sur le corps avec son poinçon acéré (le diable emporte la main qui l’a forgé !), afin de découvrir la marque du sorcier ? J’ai l’espoir de m’attacher à votre personne comme un humble serviteur ; et tout ce que je désire, c’est que vous jugiez de la confiance que je mérite, d’après le résultat du sommeil du bon chevalier. »

Wayland ne se trompa point dans ses pronostics. La potion calmante que son savoir avait préparée et que la confiance de Will Badger avait administrée, fut suivie des meilleurs effets. Le sommeil du malade fut long et paisible, et le pauvre chevalier s’éveilla, l’esprit abattu, il est vrai, et le corps faible, mais plus capable de juger de ce qu’on pouvait soumettre à son intelligence qu’il ne l’avait été depuis long-temps. Il combattit d’abord la proposition que lui faisaient ses amis d’autoriser Tressilian à se rendre à la cour pour tâcher de ramener sa fille, et d’obtenir réparation de l’injure faite à cette infortunée autant que la chose était encore possible. « Laissez-la aller, disait-il, c’est un faucon qui suit le vent ; je ne donnerais pas un coup de sifflet pour la rappeler. » Il persista encore quelque temps dans cette idée. Mais à la fin il demeura convaincu qu’il était de son devoir de céder à son affection naturelle, et de consentir à ce que Tressilian fit tous les efforts qui pouvaient encore être faits en faveur de sa fille. Il signa donc un pouvoir en règle, rédigé avec toute la science dont le ministre était capable : car dans ces temps de simplicité les pasteurs étaient souvent les guides de leurs ouailles, tant dans les affaires temporelles que dans les affaires spirituelles.

Tout fut prêt pour le second départ de Tressilian, vingt-quatre