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d’abord, sur le sommet d’une petite hauteur en face de lui, se mit à frapper l’une contre l’autre ses mains longues et décharnées, à lui faire les cornes avec ses doigts desséchés, et à donner à sa laide figure une si folle expression de rire et de moquerie, que Tressilian en vint presque à penser qu’il avait devant les yeux un véritable lutin.

Poussé à bout, et cependant ne pouvant s’empêcher de rire des grimaces et des gesticulations de l’enfant, il retourna près de son cheval et monta dessus, dans l’intention de poursuivre Dickie avec plus d’avantage.

L’enfant ne l’eut pas plus tôt vu monter à cheval qu’il lui cria que, pour ne pas l’exposer à blesser son cheval aux pieds blancs, il reviendrait, à condition qu’il ne mettrait pas la main sur lui.

« Je ne veux pas faire de conditions avec toi, méchant drôle ; je t’aurai dans un moment à ma discrétion.

— Bah ! monsieur le voyageur ; est-ce qu’il n’y a pas là un marais qui avalerait tous les chevaux de la garde de la reine ! Je vais y entrer ; nous verrons si vous m’y suivrez. Vous entendrez les cris du butor et du canard sauvage avant que vous m’attrapiez sans mon consentement, je vous l’assure. »

Tressilian reconnut effectivement à l’aspect du terrain qu’il en serait ainsi que le disait l’enfant ; il se détermina donc à faire la paix avec un ennemi si agile et si rusé. « Viens ici, dit-il, mauvais garnement ! Finis tes grimaces et tes singeries, et approche ; je ne te ferai pas de mal, foi de gentilhomme. »

Le jeune garçon répondit à son invitation par la plus grande confiance, et il descendit d’un pas sautillant et en même temps délibéré, du tertre où il s’était réfugié, en tenant ses yeux fixés sur Tressilian qui, descendu de cheval, l’attendait la bride en main. Notre infortuné voyageur était encore hors d’haleine et comme épuisé de la course infructueuse qu’il venait de faire, tandis que pas une goutte de sueur ne paraissait sur le front de l’enfant, qui ressemblait littéralement à un morceau de parchemin sec étendu sur un crâne décharné.

« Dis-moi maintenant, méchant petit drôle, pourquoi en as-tu agi ainsi avec moi ? et quelle pouvait être ton intention en me faisant un conte aussi absurde que celui que tu voulais me faire croire tout à l’heure. Mais plutôt montre-moi tout de bon la forge du maréchal, et je te donnerai de quoi acheter des pommes pendant tout l’hiver.